Publié le 18 octobre 2024

Où en sont les entreprises en matière de reporting CSRD ? Le rapport annuel Tennaxia sur le sujet montre que des questions persistent dans les entreprises françaises, notamment en matière de gouvernance des données, ou de gestion des plans de transition climatique.

La CSRD, directive européenne sur les rapports de durabilité, n’a pas fini d’interroger les professionnels du secteur de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). La directive impose en effet aux entreprises d’établir des rapports publics sur leur durabilité et leur impact sur l’environnement et la société, et les premiers rapports sont attendus en 2025. Alors que beaucoup d’entreprises sont en plein dans la collecte et la mise en forme de leurs données en vue de ces rapports, Tennaxia vient de publier en partenariat avec la BPI, LCL et l’association Orée son état des lieux annuels des pratiques de reporting. Ses conclusions montrent que beaucoup d’acteurs privés ont encore des doutes sur les modalités de mise en place de cette nouvelle réglementation.

Le premier constat porte sur la double matérialité, c’est-à-dire l’idée que les entreprises doivent à la fois rendre compte des risques que constitue les enjeux environnementaux et sociaux pour leur modèle d’affaires, mais aussi de la manière dont leurs activités affectent l’environnement ou la société. Alors que de précédentes études montraient que les grandes entreprises étaient bien avancées sur le sujet, le rapport Tennaxia, mené à 83% auprès d’ETI et de PME, montre que la double matérialité reste une difficulté pour beaucoup d’acteurs privés. Ainsi, 76% des entreprises interrogées n’ont pas encore réalisé leur analyse de double matérialité, alors qu’elle est supposée être le socle du rapport de durabilité. 44% des entreprises ont également des doutes sur le contenu et le fond des rapports (les étapes de l’analyse de matérialité, la collecte des données, les plans de transition…) ou la forme.

Encore du flou sur la collecte des données

Près de 60% des entreprises sont ainsi encore dans le flou sur la manière dont ils pourront connecter les données ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) nécessaires à leur exercice de reporting, et 36% indiquent même ne pas savoir où ils pourront trouver certaines données essentielles. Plus des 2/3 (67%) n’ont pas encore mis en place une équipe chargée de la gouvernance de leurs données extra-financières, c’est-à-dire de la cartographie, du contrôle et de la fiabilisation des données récoltées. Un retard qui montre que les entreprises n’ont pas encore pensé complètement leur organisation pour répondre aux enjeux de reporting transformatif de la CSRD, comme l’explique Solène Garcin-Charcosset, Directrice de la Business line RSE de Tennaxia, qui souligne “l’urgence pour les entreprises de mettre en place une gouvernance solide des données ESG.”

Le rapport montre également qu’une bonne partie des entreprises traitera en fait un nombre limité de points de données par rapport à celles listées dans les standards de reporting européens. Ainsi, 44% des entreprises déclarent retenir moins de 500 points de données pour leur reporting, et au total 86% étudieront moins de 750 points de données, sur les 1179 possibles. Des chiffres nettement en dessous de ceux qui avaient été avancés par certaines organisations professionnelles critiques de la CSRD ces derniers mois. Surtout, en moyenne, plus de la moitié (56%) des données traitées par les entreprises seront des données qualitatives, et certaines ne seront que des réutilisations de données déjà collectées dans le cadre d’autres reporting obligatoires, notamment sociaux.

CSRD : des questions sur les plans de transition et les prestataires

La mise en place des plans de transition en lien avec la lutte contre le réchauffement climatique continue également d’être une difficulté pour 48% des entreprises. C’est en effet l’une des grandes nouveautés de la CSRD, puisqu’elle impose à toutes les entreprises soumises de définir une trajectoire de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, incluant notamment les leviers de décarbonation, l’évaluation des émissions verrouillées, ou inévitables, ainsi que les ressources financières allouées à la décarbonation. Or, sur ce sujet, beaucoup d’entreprises concernées sont là aussi en retard, puisqu’à peine 36% des entreprises du panel avaient défini une trajectoire de décarbonation théoriquement compatible avec un objectif d’1.5 degré de réchauffement climatique.

Enfin, sur la forme, les entreprises s’interrogent encore sur la manière dont elles vont gérer ce reporting. “61% d’entre elles déclarent rechercher un prestataire extérieur pour un accompagnement conseil”, selon le rapport, un chiffre en hausse de 35 points par rapport à l’année dernière. En matière d’audit, les entreprises semblent envisager de faire appel à un commissaire aux comptes plutôt qu’à un organisme tiers indépendant (OTI) pour leurs données extra-financières, et 51% devraient faire appel au même commissaire au compte que pour leurs données financières. “Dans un contexte où l’exercice de la CSRD est encore largement perçu comme complexe et chronophage, la facilité est l’une des premières raisons évoquées pour ce choix” analyse Solène Garcin-Charcosset.

* Enquête issue des réponses de 208 responsables RSE ou Directeurs Administratifs et Financiers d’entlreprises françaises concernées par la CSRD, sur la base d’un questionnaire auto-administré.

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