En matière d’avancées sociales et de protection du travail, la semaine fut riche au Parlement européen. En plus du vote de la directive sur le devoir de vigilance, qui impose aux entreprises de garantir les droits humains et environnementaux sur leur chaîne de valeur, deux autres réglementations européennes vont contribuer à enrichir la protection des travailleurs au sein et hors de l’Union Européenne (UE).
La directive sur les travailleurs des plateformes, et le règlement sur l’interdiction des produits issus du travail forcé, adoptés cette semaine, viennent confirmer un certain tournant social de l’Union Européenne malgré les oppositions internes.
Lutter contre les dérives de l’uberisation et le travail forcé
La directive sur les travailleurs des plateformes, votée mercredi 24 avril, était attendue de longue date pour mieux réguler le travail “uberisé”. Elle pose enfin un cadre réglementaire sur les conditions de travail souvent précaires des près de 30 millions de personnes qui travaillent pour les plateformes numériques en Europe (Deliveroo, Uber et autres). Une présomption de relation de travail devra désormais être instaurée par les Etats membres, qui permettra aux travailleurs d’être présumés salariés, notamment en cas de saisine d’un tribunal ou d’une autorité administrative. Pour la première fois, l’UE encadre également l’usage des algorithmes dans la gestion des ressources humaines, et interdit notamment les licenciements automatisés par les algorithmes. “Un accord historique qui garantira dignité, protection et droits aux travailleurs de plates-formes”, selon Elisabetta Gualmini, rapporteuse socialiste de la directive.
Le Parlement vient également de valider l’accord sur un nouveau règlement permettant à l’UE d’interdire l’importation, la vente et l’exportation de produits issus du travail forcé. Le texte en discussion depuis plus de deux ans, permettra notamment aux autorités européennes et aux Etats membres de lancer des enquêtes sur des produits suspectés de contribuer au travail forcé et à l’esclavage, et, le cas échéant, d’en interdire la commercialisation. En cas de non-conformité, les entreprises incriminées pourront également se voir infliger des amendes et sanctions.
De difficiles progrès en matière de protection des travailleurs
Avec ces réglementations, l’Europe poursuit un travail entamé depuis plusieurs années visant à mieux protéger les travailleurs et améliorer les conditions sociales du travail. Poussé notamment par les partis de gauche et écologistes au Parlement européen, cet effort social et environnemental de l’Union Européenne n’a pourtant pas été facile à concrétiser. Ces derniers mois, des vents contraires s’étaient en effet levés autour de ces textes. Le gouvernement français, notamment, mais aussi l’Allemagne, l’Estonie et la Grèce entre autres avaient ainsi contribué au blocage de la directive sur les travailleurs des plateformes au Conseil européen, sous l’influence notamment du lobbying des grandes plateformes numériques. Euractiv révélait par exemple en mars dernier comment la plateforme estonienne Bolt avait fait pression sur son gouvernement pour s’opposer au texte.
Malgré ces oppositions, l’Europe a posé ces derniers mois plusieurs jalons importants en matière de progrès social. En fin d’année dernière, le Parlement a ainsi voté une résolution proposée par les députés écologistes, demandant d’établir une réglementation essentielle sur la création d’emplois décents et la transition juste en Europe. Une manière de concilier la transformation écologique et la justice sociale, et la transition vers une économie plus inclusive. Reste à savoir si ces efforts seront poursuivis par le prochain Parlement européen, après les élections de juin. Et rien n’est moins sûr. Car la droite et l’extrême droite, données en tête des sondages, pourraient, comme elles le font depuis des mois, s’opposer à ces réformes au nom des intérêts économiques de court terme.