Publié le 26 avril 2024

Le Parlement britannique a adopté en début de semaine une loi prévoyant d’expulser les migrants vers le Rwanda. Une loi controversée qui pourrait rendre les compagnies aériennes complices de violation des droits humains.

Qui pour expulser les migrants ? Au Royaume-Uni, Rishi Sunak a réussi à faire adopter sa loi controversée “Safety of Rwanda”. C’était le 23 avril. Le jour même, cinq nouveaux migrants trouvaient la mort en traversant la Manche. Avec ce texte, le Premier ministre britannique espère décourager “les petits bateaux” de faire la traversée. Le texte prévoit en effet d’expulser les demandeurs d’asile vers le Rwanda, suite à un accord de sous-traitance signé entre Londres et Kigali en avril 2022. Or, le Rwanda n’est pas considéré comme un pays sûr, selon la Cour suprême britannique.

Dans ce contexte, les compagnies aériennes ne semblent pas se bousculer pour participer à une telle opération. Mais le Premier ministre britannique se veut toutefois rassurant. Il affirme que les premiers avions pourront décoller “d’ici dix à douze semaines”. “Je peux confirmer que nous avons mis un aérodrome en attente, réservé des avions charters commerciaux pour des créneaux spécifiques et que nous disposons de 500 personnes hautement qualifiées prêtes à escorter les migrants illégaux jusqu’au Rwanda“, a déclaré Rishi Sunak aux journalistes.

Seul Ryanair se dit disposé à effectuer de tels vols

Pour l’heure, seul l’emblématique patron de Ryanair, Michael O’Leary, a déclaré qu’il transporterait “avec plaisir” les demandeurs d’asile vers le Rwanda dans le cadre des projets d’expulsion de Rishi Sunak. “Si c’était l’horaire d’hiver, que nous avions des avions de rechange et que le gouvernement cherchait des vols d’expulsion supplémentaires ou tout autre vol, nous serions heureux de proposer un devis”, a-t-il expliqué dans une interview à Bloomberg. Sa prise de position a entraîné de nombreuses réactions de boycott sur Twitter.

Ailleurs, c’est le silence absolu. Selon plusieurs sources anglosaxonnes, le gouvernement britannique aurait approché la compagnie aérienne charter AirTanker, qui détient des contrats avec le ministère de la Défense et la Royal air force. La compagnie, qui n’a pas fait de commentaires, fait l’objet d’une campagne de dénonciation de la part de militants et notamment de l’ONG Freedom for Torture. Une pétition l’appelant à ne pas opérer ces vols a déjà été signée par plus de 76 000 personnes.

Privilege Style, une compagnie espagnole, qui devait expulser des migrants vers le Rwanda en 2022 avant que l’avion ne soit immobilisé, a assuré qu’elle n’effectuerait plus ce type de vols. La compagnie nationale rwandaise, RwandAir, aurait elle aussi refusé de participer à ces expulsions, selon les déclarations d’un proche du ministère de l’Intérieur au Financial Times, “en raison des dommages potentiels causés à sa marque”.

Un texte qui viole la Convention européenne des droits de l’Homme

Pour enfoncer le clou, lundi 22 avril, à la veille du vote au parlement britannique, trois experts de l’ONU, Siobhan Mullally, la rapporteuse sur le trafic d’êtres humains, Gehad Madi, le rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, et Alice Jill Edwards, la rapporteuse spéciale pour la torture, ont prévenu les compagnies aériennes qu’elles risquaient de se rendre complices de violations des droits humains. En novembre 2023, la Cour suprême du Royaume-Uni avait en effet estimé que les renvois vers le Rwanda violeraient l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit la torture ainsi que les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

“Si les compagnies aériennes et les autorités aéronautiques donnent effet à des décisions étatiques qui violent les droits de l’homme, elles doivent être tenues responsables de leur conduite”, ont déclaré les experts. “Comme le soulignent les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, les régulateurs de l’aviation, les organisations internationales et les acteurs économiques sont tenus de respecter les droits de l’homme”, ont-ils ajouté.

En France, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) introduite par Air France, a confirmé en 2021 que les compagnies aériennes étaient tenues d’expulser “sans délai”, à la demande des autorités, l’étranger auquel le séjour est refusé, sous peine d’amende. En revanche, les compagnies aériennes ne peuvent pas forcer un étranger expulsé à monter dans un avion.

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