Publié le 25 octobre 2017
SOCIAL
Les monnaies complémentaires, un levier de transition écologique... à condition de changer d'échelle
Elles s’appellent l’Eusko, SoNantes, MyTroc ou encore Solar Coins. Les monnaies complémentaires, qui visent souvent à redynamiser l'économie locale, se multiplient en France mais peinent encore à toucher un public plus large qu'un cercle de militants. Pourtant, elles pourraient être un vrai levier de la transition écologique, estime un rapport de la Fabrique Écologique.

@Stück
Les monnaies complémentaires sont encore peu connues du grand public. Pourtant, il en fleurit chaque année une dizaine en France. "Leur rôle n’est pas de remplacer l’euro, comme le Bitcoin par exemple, mais de servir un objectif bien particulier de citoyenneté et de partage", explique Thomas Binet, directeur de Vertigolab et coauteur d’une note de la Fabrique Écologique sur le sujet. "Elles peuvent être un levier de la transition écologique", estime-t-il.
Car nombreuses sont celles qui poursuivent des objectifs environnementaux. Les monnaies locales par exemple, promeuvent le commerce de proximité. C’est notamment le cas du Stück à Strasbourg, qui n’accepte dans son cercle d’entreprises que celles socialement ou écologiquement responsables. Les monnaies thématiques sont également orientées vers des enjeux écologiques, comme le Y’aca à Ayen (Corrèze) qui développe un réseau de covoiturage entre particuliers.
Ces monnaies peuvent ainsi, en partie, financer la transition écologique et énergétique. "Le circuit conventionnel ne soutient pas les activités peu rentables sur le court terme et manque de rapidité, de souplesse et de proximité avec le terrain et ses acteurs", indique le rapport, "des caractéristiques que présentent les monnaies complémentaires".
"Je ne sais plus comment utiliser mes SoNantes"
Mais elles peinent encore à être performantes. Elles ne sont utilisées, pour l’instant, que par des militants. Et même dans ce cercle, les critiques existent. "Sincèrement, je ne sais plus comment utiliser mes SoNantes", explique le dirigeant d’un bar nantais qui utilise la monnaie locale, "même si je paye la boulangère avec, que voulez-vous qu'elle en fasse ? Sa farine ne vient pas d'ici, nous ne sommes pas dans une grande région céréalière", explique-t-il.
"SoNantes n'a pas changé mes pratiques d'achat puisque j'avais déjà recours à fournisseurs locaux que je paie en euro", tranche l'entrepreneur. Et c’est bien le problème. Qu’apportent vraiment les monnaies locales ? "Il faudrait un truc en plus pour qu’on y gagne quelque chose", avoue Thomas Binet.
Certifier les monnaies pour accroître la confiance
En attendant, ces monnaies sont un moyen de sensibilisation et d’orientation des comportements de consommation et de production. "Elles présentent des atouts par rapport aux outils de politiques publiques classiques", défend le directeur de Vertigolab.
Encore faut-il que les habitants croient en leur stabilité. Un an seulement après leur lancement, beaucoup de ces monnaies tombent à l’eau. Pour remédier à ce problème l’idée serait de les évaluer. "Une structure extérieure pouvant garantir la crédibilité des porteurs de projet de monnaies complémentaires serait nécessaire pour établir la confiance en cet outil", propose la note de la Fabrique écologique.
"Les collectivités doivent montrer l’exemple"
"Les collectivités devraient montrer l’exemple", souligne également Thomas Binet et d’avancer l’exemple de Curitiba. Cette monnaie locale est utilisée au Brésil par la municipalité qui paye les habitants des favelas via un jeton de bus dès qu’ils trient correctement leurs déchets. Une mesure qui a permis de récolter 11 millions de tonnes d'ordures ménagères.
Les monnaies complémentaires ont cet avantage qu'elles ne sont pas forcément représentées par des pièces ou des billets. Elles peuvent être, comme ici, des tickets de transport, mais aussi complètement immatériel comme un don ou une récompense. "Ces monnaies ont un potentiel énorme d’économie circulaire car elles sont fondantes. C'est-à-dire qu'elles perdent de la valeur si on ne les fait pas tourner", résume Thomas Binet.
Marina Fabre @fabre_marina