Les ONG Mwatana, une organisation yéménite de défense des droits humains, et European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), basé à Berlin, rejointes par l’association Sherpa, et avec le soutien d’Amnesty International France, accusent ces poids lourds de l’armement français d’une "éventuelle complicité dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité présumés au Yémen, lesquels auraient pu être commis du fait de leurs exportations d’armes vers l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis". Ces deux pays ont formé une coalition à l’origine d’une campagne de raids aériens contre les forces Houthis et Saleh au Yémen depuis 2015 (jusqu’au cessez-le-feu d’avril dernier).
"La France a fourni du matériel de guerre, des munitions et des services de maintenance d’une valeur dépassant 8 milliards d’euros à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis", déplorent les ONG à l’origine de la plainte. Ils citent notamment la vente d’avions de combat de production française, et les services de maintenance de 59 Mirage acquis par les Emirats arabes unis qui leur ont permis de rester opérationnels. Les ONG précisent en outre que des missiles et des systèmes de guidage produits par Thales et MBDA France auraient été utilisés dans le cadre du conflit au Yémen.
"Plus grande catastrophe humanitaire" selon l’ONU
Depuis le début du conflit, Mwatana, d’autres ONG ainsi que des organisations internationales et de nombreux experts dénoncent les frappes aériennes de la Coalition. En décembre 2019, un groupe d’ONG a ainsi saisi la Cour pénale internationale pour qualifier 26 frappes aériennes de la coalition militaire de crimes de guerre. La coalition a mené "d’innombrables attaques ciblant la population civile, ainsi que des logements, des marchés, des hôpitaux et des écoles", détaillent ainsi les ONG. L’Organisation des Nations unies décrit de son côté le conflit et ses conséquences comme la "plus grande catastrophe humanitaire" de notre époque.
"Combler l’actuel vide vertigineux en matière de responsabilité au Yémen"
"Les industriels de la défense se cachent derrière ces licences d’exportation. Or une licence ne dédouane en rien les industriels de leur responsabilité en ce qui concerne les répercussions de leurs activités sur les droits humains", indique Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer armes et peine de mort à Amnesty International France. La justice tranchera. "En enquêtant sur les potentielles responsabilités d’acteurs économiques dans les crimes commis au Yémen, la justice française pourrait jouer un rôle essentiel dans la lutte contre l’impunité et l’accès à la justice pour les personnes affectées par des crimes internationaux", estime Anna Kiefer.