Publié le 08 mars 2021
SOCIAL
Devoir de vigilance : Casino est poursuivi en justice en France pour son rôle dans la déforestation
Des représentants des peuples autochtones d’Amazonie brésilienne et colombienne ainsi que des ONG françaises et américaines, assignent en justice le distributeur devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne. Ils jugent que ses ventes de produits à base de viande bovine d'Amérique du Sud participent à la déforestation et à l'accaparement de terres des peuples autochtones. C’est la première fois qu’une chaine de supermarché est assignée sur la base du devoir de vigilance.

@Paralaxis
Après Total, c’est Casino qui se voit poursuivi en justice pour son manque de vigilance. Des représentants des populations autochtones d’Amazonie brésilienne et colombienne, aidées par des associations françaises et américaines (Sherpa, Notre affaire à tous, Mighty Earth…) lui reprochent son implication dans la déforestation via ses achats de produits carnés. Les organisations autochtones demandent à être dédommagées en raison des dommages causés à leurs terres ancestrales et de l’impact sur leurs moyens de subsistance.
"C'est la première fois qu'une chaîne d'hypermarchés est assignée en justice pour des faits de déforestation et de violation de droits humains dans sa chaîne d'approvisionnement", précisent les associations. Elles demandent au groupe "d’avoir une stricte traçabilité dès la première étape de production de la viande jusqu’à ce que le produit soit vendu dans ses supermarchés".
Les plaignants réclament également plus de trois millions d’euros de dédommagement, en particulier pour les "centaines de milliers d’indigènes" affectés. Ils s’appuient pour cela sur la loi sur le devoir de vigilance. Celle-ci oblige les grandes entreprises françaises à identifier et prévenir ce type de risque sur l’ensemble de leur chaîne de valeur et permet aux victimes de demander réparation au donneur d’ordres.
Des communautés autochtones particulièrement affectées
Après des mois d’enquête, les plaignants assurent que "des atteintes systémiques à l’environnement et aux droits humains ont eu lieu, tout au long de la chaîne d’approvisionnement du groupe Casino au Brésil et en Colombie, sur une période significative". Selon le Centre d'Analyse de la Criminalité Climatique, le groupe Casino aurait acheté régulièrement de la viande bovine à trois abattoirs qui s'approvisionnent en bétail auprès de 592 fournisseurs responsables d'au moins 50 000 hectares de déforestation entre 2008 et 2020.
Certaines de ces terres déforestées appartenaient à des populations autochtones. La communauté Uru Eu Wau Wau, située dans l'État de Rondônia, au Brésil, assure avoir été envahie pour permettre l’exploitation des élevages de bétail qui fournissent de la viande bovine au Grupo Pão de Açúcar de Casino. Et les résistants se sentent menacés. "Avec cette poursuite, nous cherchons à tenir l'entreprise donneuse d’ordres responsable des conséquences de ces actes et à apporter une reconnaissance aux peuples autochtones par rapport à la réalité à laquelle ils sont confrontés", souligne Luis Eloy Terena, représentant et conseiller juridique de la Coordination des Organisations Autochtones de l’Amazonie Brésilienne (COIAB).
L’assignation en justice fait suite à une mise en demeure adressée en septembre 2020 à Casino. Le groupe avait trois mois pour répondre et éviter la procédure judiciaire. Il assure respecter le devoir de vigilance "en tous points" et "ne cesser, en partenariat avec des ONG locales et internationales, d’améliorer le contrôle des fournisseurs et des fermes". Il affirme ainsi avoir mis en place une nouvelle procédure "Beef and Track" avec l’ONG Immaflor en juillet 2020. Mais le courrier adressé en décembre aux associations pour la détailler, n’a pas convaincu les plaignants qui n’y ont vu aucune mesure nouvelle "effective".
Béatrice Héraud, @beatriceheraud