Publié le 22 septembre 2020
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Déforestation en Amazonie : Casino mis en demeure de renforcer son devoir de vigilance
Des ONG viennent de mettre en demeure le groupe Casino de respecter son devoir de vigilance relatif à la déforestation en Amazonie. En se basant sur un travail de terrain réalisé par des associations locales et internationales qui établit des liens entre ses approvisionnements en viande et sa filiale brésilienne, elles estiment que le distributeur doit mieux évaluer les risques et assurer la traçabilité de l’ensemble de sa chaine de valeur.

@paralaxis
Alors que l’élevage est considéré comme la principale cause de la déforestation de l’Amazonie, les entreprises de l’agroalimentaire sont de plus en plus dans le viseur des ONG. Après JBS, le numéro 1 mondial de la viande, une coalition d’associations - Sherpa, Envol Vert, Mighty Earth Notre Affaire à tous et des associations brésiliennes – vient d’épingler le groupe Casino qui réalise près de la moitié de son chiffre d’affaires en Amérique du Sud. Avec sa filiale Grupo Pao de Açùcar (GPA) qui détient 15 % de part de marché, celui-ci est même le leader de la distribution au Brésil.
Comme JBS, Casino serait en lien avec quatre fermes impliquées dans la déforestation illégale et l’accaparement de terres dans le Cerrado et l’Amazonie. Celles-ci représentent à elles seules près de 5 000 hectares de déboisement pour du pâturage bovin, précise Envol vert. Ce dernier avait publié en juin dernier une enquête sur laquelle se base le collectif d’ONG pour mettre le groupe en demeure de rectifier sa politique en la matière. Des liens ont été établis entre ces fermes et 52 produits vendus en rayon et dans les étals de boucher de deux magasins du groupe. Et cela de manière "régulière".
Une action judiciaire en ligne de mire
"Le problème vient du manque de traçabilité car Casino ne prend pas en compte les fermes indirectes dans son plan de vigilance, or celles-ci représentent 59 % de la déforestation", assure Elie Favrichon, d’Envol vert. Un manque inacceptable pour Sandra Cossart, directrice de l’association de juristes Sherpa. "Comment expliquer que malgré ses moyens, Casino n’arrive pas à assurer la traçabilité de ses produits alors que de petites associations réussissent à le faire en quelques mois ?", s’interroge la juriste.
"Dans son plan de vigilance, Casino se limite à parler de ses fournisseurs principaux. Ce n’est pas suffisant : il faut s’assurer que même de manière indirecte, aucune viande ne provient de zone contribuant à la déforestation", assure François de Combiaire, l’avocat de Seattle avocats qui assiste les ONG dans leur procédure. Celle-ci a débuté lundi 21 septembre par un courrier au PDG du groupe le mettant en demeure de revoir son plan de vigilance. Une étape pré-contentieuse nécessaire pour enclencher l’action judiciaire. Le groupe a désormais trois mois pour formuler sa réponse en modifiant son plan de vigilance.
Si les ONG estiment le travail insuffisant, l’affaire sera portée devant la justice, à l’image de ce que plusieurs d’entre elles ont déjà fait à l’encontre de Total. Le groupe lui nie ces accusations auxquelles il avait déjà répondu dans un courrier adressé à Envol Vert lors de la parution de son rapport. Dans un entretien avec l’AFP, l’avocat de Casino affirme que le groupe "se conforme scrupuleusement à ses obligations légales" et "ne cesse, en partenariat avec des ONG locales, d'améliorer les procédures de contrôle des fournisseurs et des fermes". Il met aussi en cause le procédé utilisé par ces dernières : "Certaines ONG ont fait le choix contestable de porter sur un plan polémique et inutilement contentieux cette problématique" qui nécessite au contraire une "collaboration constructive et apaisée" entre parties prenantes dans un "contexte géopolitique complexe".
Béatrice Héraud @beatriceheraud