Publié le 10 mai 2022
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"Le monde qui craque" saison 2 : Ces pénuries qui bouleversent notre consommation
Alors que la pandémie de Covid-19 a perturbé pendant des mois les chaînes d'approvisionnement, viennent s’ajouter le dérèglement climatique et la guerre en Ukraine. Moutarde, câbles électriques, bouteilles en verre… plusieurs secteurs de notre économie sont impactés. Les prix flambent et les craintes de pénurie se renforcent, révélant un peu plus les failles d’un modèle à bout de souffle.

Frédéric Scheiber / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Après l’huile de tournesol, la moutarde
C’est un des produits les plus touchés par l’inflation. En un an, le prix des moutardes a grimpé de près de 10 % en avril. En cause, notamment, les épisodes de sécheresse qui ont touché le Canada l’année dernière et ont ainsi ralenti la production de graines de moutarde du numéro 1 mondial, passant ainsi de 135 000 tonnes en août 2020 à 99 000 tonnes un an plus tard. Et la situation ne devrait pas s’améliorer. Les autorités canadiennes anticipent une baisse de 28 % de la production d’ici la fin du mois de juillet. En France, certaines références manquent ainsi à l’appel dans les rayons des supermarchés. Et l’Hexagone ne peut pas se tourner vers l’Ukraine, grande productrice de graines, qui subit l’invasion de la Russie. "On a un manque de visibilité à court terme. On sait ce qui va nous arriver la semaine prochaine. On ne sait pas pour la semaine d’après", déplore à Ouest France Luc Vandermaesen, directeur général de l’entreprise Reine Dijon.
Les bouteilles en verre manquent
La saison du rosé s’ouvre et les vignerons ne sont pas prêts. Alors que la pandémie de Covid-19 a déjà ralenti l’approvisionnement en bouteilles, la guerre en Ukraine marque un nouveau coup pour le secteur. La pénurie touche particulièrement les bouteilles en verre transparent. Sur Europe 1, un producteur de Chablis, Thierry Mothe, témoigne : "Habituellement, il y a 150 000 bouteilles ici [dans sa cave, NDR]. Là, j’en ai à peine 30 000". La France, deuxième importateur mondial de contenants de verre est impacté par la fermeture de plusieurs usines en Ukraine depuis l'invasion du pays par la Russie. Autre facteur difficile à gérer : l’envolée des prix de l’énergie et particulièrement du gaz, qui sert à chauffer à plus de 1 300 degrés le sable dans les fours verriers. L’occasion pour certains vignerons qui font du vin de table de ressortir une vielle pratique écologique : la consigne.
Coup de frein sur l’automobile
Alors que la vente des voitures neuves ne cesse de chuter (- 22 % en avril 2022 par rapport à l’année dernière), le secteur de l’automobile accuse un nouveau coup. Après la pénurie de semi-conducteur, toujours pas résorbée depuis le début de la crise sanitaire, ce sont des défauts d’approvisionnement de câbles électriques qui douchent un peu plus les espoirs de rebond. Selon l’agence Reuters, 7 % des importations mondiales viennent directement d’Ukraine. Avec l’invasion russe, plusieurs usines ont fermé obligeant de grands constructeurs à interrompre certaines lignes de production. C’est le cas de Porsche ou encore Volkswagen qui a annoncé la suspension de la production des modèles électriques. Dans une interview au Financial Times, le PDG du groupe, Hubert Diess, dit avoir "quasiment épuisé" son stock de véhicules électriques en Europe et en Chine.
Tensions sur les matériaux de construction
C’est un véritable record en 15 ans. Au premier trimestre 2022, 141 900 permis de construire ont été délivrés. Pourtant les entreprises du bâtiment sont inquiètes. Les délais de livraisons pour les matériaux de construction sont de plus en plus longs, les prix flambent obligeant certains entrepreneurs à revoir à la hausse des devis réalisés le mois d’avant. Au total, la moitié des chantiers entrepris accuse des retards. Fenêtre, tuile, parquet… la pénurie guette. "C’est la plus grave crise d’approvisionnement en matières premières en matériaux (fer, acier, aluminium, pvc, bois, vitrage…) que nous n’ayons jamais connue", affirme à Batiactu Patrick Mathieu, le président de l’antenne des Vosges de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). Alors qu’aujourd’hui la part des matériaux réemployés sur les chantiers plafonne à 1 %, certaines entreprises se tournent vers cette solution.
L’effet domino de la pénurie de papier
C’est un véritable "chaos" selon Intergraf. "Nous produisons des manuels scolaires, des étiquettes pour produits alimentaires ou pharmaceutiques, de la publicité, des emballages de toutes sortes ainsi que des supports imprimés tels que des livres, des magazines et des journaux. L'approvisionnement continu de ces produits est en danger réel", écrit cette fédération européenne qui réunit des organisations nationales d’imprimeurs. Le prix du papier a explosé, enregistrant une hausse moyenne de 45 % depuis le début de l’année, voire même 80 % pour le papier journal. Dans les magasins, les sacs en papier kraft manquent à l'appel, les sorties de livre sont retardées et certains journaux comme Ouest-France, augmentent leur prix.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina