Publié le 22 juin 2022

SOCIAL

La perte d’intérêt pour les soldes, symbole d’un secteur de l'habillement en crise

Autrefois rendez-vous incontournable des consommateurs, les soldes subissent une perte d'intérêt. Si le Covid-19 et l'inflation qui a explosé avec la guerre en Ukraine participent à ce désamour, c'est une tendance plus profonde qui traverse tout le secteur de l'habillement. Les géants de la "real time fashion" type Shein ont rebattu les cartes du jeu avec des prix imbattables. Les enseignes plus traditionnelles sont prises en étau entre ces nouveaux venus et les préoccupations environnementales des consommateurs.

Solde fast fashion textile THOMAS COEX AFP
Les soldes d'été s'ouvrent du 22 juin jusqu'au 19 juillet.
THOMAS COEX / AFP

Le temps des queues monstres au début des soldes est-il révolu ? Alors que la crise sanitaire a bousculé les habitudes des Français, l’inflation galopante due notamment à la guerre en Ukraine renforce une baisse de la dynamique pour ce rendez-vous autrefois très prisé. "L’intérêt pour les soldes s’émousse", reconnaît ainsi Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’Institut Français de la Mode. Et cette morosité est applicable à tout le secteur de l'habillement. 

En Bourse déjà, les poids lourds de la "fast fashion" comme Boohoo, Asos, Zalando ou Inditex, la maison-mère de Zara, font grise mine depuis le début l’année. Leurs cours ont reculé respectivement de 45 %, 60 %, 66 % et 24 %. Des performances à mettre en regard avec l’indice européen Euro Stoxx 50 qui a perdu 20 % de sa valeur. Alors que le pouvoir d’achat des Français baisse, ces derniers coupent "l’achat plaisir", analyse Sandra Hoiban, directrice générale du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). Mais cette tendance est plus antérieure.

"Depuis 2008, le marché est au ralenti"

"Depuis 2008, le marché est au ralenti", affirme Gildas Minvielle. Symbole de cette crise, le groupe familial Mulliez, propriétaire d’Auchan, Decathlon ou encore Saint-Maclou a annoncé fin mai vouloir se séparer de la marque française Pimkie. Une "douche froide" pour les 1 525 salariés de l’entreprise. Concurrencée par le commerce en ligne et les marques à bas prix, Pimkie, fondée en 1971 n’a pas su résister. "On est sur un marché au cœur de la mondialisation, très concurrentiel avec de plus en plus d'acteurs", décrypte Gildas Minvielle. "Shein par exemple, vend du Made In China à prix extrêmement bas, il est très présent"

Qualifiée du "pire du pire de la mode" par Catherine Dauriac, présidente de Fashion Revolution France, la marque a séduit très vite un public jeune avec des T-shirts à moins de 5 euros et des jeans à moins de 10. Selon une étude du Teenage Lab by Pixpay, une carte de paiement pour adolescents, 22 % des émissions de carbone des filles de 15 à 17 ans provient des achats sur Shein. Epinglée pour les conditions de travail de ses ouvrières, la start-up chinoise, reste très opaque. Mais son process, définit non pas comme de la fast fashion ou de l’ultra fast fashion mais de la real-time fashion, c’est-à-dire de la vente quasiment en temps réel, survole le secteur. Difficile pour les marques françaises de rivaliser avec ce géant, même en bradant les vêtements pendant les soldes. 

"Ce n'est pas la fin des soldes"

"Cela ne signifie pas la fin des soldes, il y en aura toujours besoin car cela permet d’écouler les stocks", affirme Gildas Minvielle. Reste que ces promotions sont de plus en plus critiquées. Stéphane Rodier, patron de trois boutiques de prêt-à-porter et trésorier de la Fédération nationale de l'habillement (FNH), estime que le principe même des soldes doit être repensé. "Produire de gros volumes qu'on doit ensuite brader pour s'en débarrasser, c'est quand même pas du tout écologique", regrette-t-il, appelant à une "réflexion globale" pour faire émerger des "solutions viables qui ne nous fassent pas consommer pour consommer"

D’autant que dans un contexte très incertain, les entreprises ont limité les stocks. Le spécialiste en la matière, le patron du site Veepee, Jacques-Antoine Granjon, dit avoir "à sa disposition moins de stock qu'avant", les marques ayant pour certaines "remis en boutique celui des années précédentes". 

Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP


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