Publié le 20 mars 2018
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Hermès, Chanel, Vuitton… Ce que font les maisons de luxe de leurs invendus vestimentaires
Comment donner une seconde vie à ses invendus vestimentaires sans écorner son image ? C’est le défi auquel sont confrontées les grandes maisons de luxe qui ne veulent pas entendre parler de soldes de peur de dévaloriser leurs marchandises. Ventes ultra-privées, magasin de déstockage ou dons aux associations, les choix sont multiples. Sans parler de l'incinération, véritable tabou du secteur.
Le textile est la deuxième industrie la plus polluante de la planète. Pour y remédier, plusieurs grandes marques de la fast-fashion comme Zara, H&M, Primark, Adidas... ont lancé des initiatives visant à réduire leurs impacts environnementaux. Des initiatives censées valoriser leur démarche RSE (Responsabilité sociétale des entreprise). Or, pour le luxe, l'équation est bien différente.
"Pour certaines maisons, solder un article à -50 %, c’est dévaloriser le produit", explique à Novethic, Jean-Noël Kapferer, professeur à l’Inseec Luxury Institute. C'est le problème auquel font face les grandes maisons de luxe comme Hermès, Vuitton, Chanel ou Burberry... et qui les empêchent de brader leurs produits.
Solder en famille
Pourtant, d’un point de vue économique notamment, les marques sont obligées de trouver des subterfuges. Les soldes ultra-privées en sont une. Réalisées dans des endroits secrets et seulement communiquées aux meilleurs clients, elles permettent de "solder en famille", estime Jean-Noël Kapferer.
C’est notamment le cas de Hermès qui organise une fois par an au Palais des Congrès une vente privée, mais sans jamais communiquer publiquement sur l’événement. "On maintient le caractère confidentiel", explique le spécialiste du luxe. "Certaines marques choisissent aussi de créer ce genre d’événements uniquement pour leur personnel".
Même si Chanel dit ne pas "communiquer traditionnellement" sur la gestion de ses stocks car cela fait partie des "informations confidentielles", la marque de luxe organise une fois par an des ventes privées réservées à ses collaborateurs et partenaires. "Sont proposées lors de ses ventes et deux ans plus tard, les articles qui n'ont pas été vendus en boutique", explique la maison.
La Vallée Village et autres sites de déstockage
Autre solution : les sites de déstockage, soit en ligne, soit dans des centres dédiés. À la Vallée Village, près de Disneyland Paris, vous pourrez ainsi trouver des vêtements Burberry, Agnès B ou encore Ralph Lauren à prix cassés. Spécialisé dans le luxe - en tout cas pour la partie extérieure- ce magasin d’usine maintient les codes des grands magasins. Mais en boutique par contre, aucune collection actuelle. Les marques préfèrent garder en stock les invendus des collections pendant deux ou trois ans avant de les revendre via des sites comme celui de la Vallée Village.
Agnès B par exemple, une des seules marques ayant accepté de nous répondre, valorise ses invendus dans une "boutique outlet" permanente près de Versailles. "Nous travaillons aussi en partenariat avec le site Vente Privée.com", explique la marque qui favorise également le don à des associations.
"Les démarques restent un risque pour les marques. Et les maisons n’ont pas les mêmes stratégies. Hermès par exemple a construit une image d’exclusivité très forte. Il préfère sous-produire plutôt que d’altérer sa réputation", explique Serge Carreira, maître de conférences à Science Po, spécialiste du luxe et de la mode.
Incinération, fantasme ou réalité ?
Pourtant, en 2013, un article de Challenges révélait que quelques grands noms du luxe comme Chanel, Vuitton, Dior ou Hermès continuaient à brûler certains de leurs invendus vestimentaires. "C’est la solution ultime quand toutes les autres ont été épuisées", déclarait un ancien dirigeant au journal. Est-ce encore le cas aujourd’hui ? Difficile de le savoir.
"Je sais que certaines maisons l’ont pratiqué et le pratiquent encore, mais je n’ai pas de noms", admet Serge Carreira. "Si c’est le cas, c’est vraiment pour des vêtements ou des tissus résiduels, en dernier ressort et de manière très marginale", ajoute l’expert. "Il est possible que ça existe, il n’y a pas de fumée sans feu", avance de son côté Jean-Noël Kapferer.
Reste que les invendus du luxe représentent une toute petite partie de ceux de la filière textile en général. Et le secteur à un coup d’avance sur la fast-fashion par rapport à sa gestion des stocks. "Comme elles ont les moyens, elles utilisent l’intelligence artificielle et les algorithmes pour prévoir la demande", explique Jean-Noël Kapferer, "la fast-fashion cherche à s’inspirer de leurs méthodes", ajoute Serge Carreira.
Marina Fabre, @fabre_marina