Publié le 05 mars 2018
SOCIAL
Consommation : pourquoi les prix bas ne payent plus
Les prix bas ne semblent plus rentables. Alors que la grande distribution a basé son modèle économique sur la guerre des prix, plusieurs marques ont fait le choix d'une montée en gamme. Résultat ? Leurs ventes sont en progression. Que ce soit dans l'alimentaire ou dans le vestimentaire, les consommateurs sont prêts à payer plus, si la qualité est là.
La grande distribution a-t-elle encore intérêt à faire la course aux prix bas ? Notamment concurrencés par les sites entre particuliers comme Le Bon coin, les plateformes d’échanges et de dons, les distributeurs sont poussés à changer de stratégie. "La notion de prix bas n’a plus de sens", explique Elisabeth Laville, fondatrice de Mes courses pour la planète, observatoire de la consommation responsable, "les soldes sont là en permanence, elles ne fonctionnent plus".
La remise exceptionnelle de -70 % sur le Nutella, qui a eu lieu fin janvier dans les hyper marchés, avaient pourtant attiré les foules. "Il y a une dissonance cognitive entre ce que les consommateurs disent vouloir faire et ce qu’ils font vraiment. Ils sont happés par les publicités des enseignes. La grande distribution a les consommateurs qu’elle a créé", tacle Elisabeth Laville.
Fleury Michon : "On essaye de sortir de cette spirale par la qualité"
Cette stratégie n’est pourtant pas la plus rentable ni la plus saine. Car les prix bas, ont forcément un coût. Dans les matières agricoles par exemple, on sait qu’ils se répercutent directement sur les producteurs, déjà serrés à la gorge. "On essaye de sortir de cette spirale par la qualité", témoigne ainsi David Garbous, directeur du marketing stratégique de Fleury Michon.
L’industriel a commencé par le surimi. Alors que le business était en recul de -5 %, il a retiré les conservateurs de cette gamme et s’est approvisionné en pêche responsable. Le résultat s’est de suite ressenti avec une croissance de 12 % alors même que les prix étaient beaucoup plus élevés que sur les gammes standards.
De la même manière, 30 % de la charcuterie de Fleury Michon est désormais labellisée, soit en label français, soit en label bio. Cette gamme, plus chère, progresse de 10 points en volume, contre -3 sur le rayon charcuterie. "On est dans un paradoxe. Aujourd’hui les consommateurs sont prêts à payer plus, ce sont les entreprises qui ne sont pas prêtes", explique David Garbous.
La grande distribution ne crée plus de valeur
"Aujourd'hui la grande distribution n’a pas de création de valeur, donc pour augmenter sa part de marché, elle cherche à vendre le moins cher possible", explique Richard Panquiault, directeur général de l’Ilec, association qui regroupe des fabricants de produits de grande consommation comme Danone, Nestlé, Findus, Ferrero…
Or, la grande distribution pourrait créer de la valeur en misant sur des prix qui rémunèrent correctement les fournisseurs. Le tout est d'être transparent et de communiquer sur cette démarche. L'ascension des petites marques leur montre la marche à suivre. C’est qui le patron, dont le prix est fixé par les consommateurs dans l’objectif de mieux rémunérer les producteurs, est le plus gros succès pour une nouvelle marque depuis 30 ans.
Patagonia +40 % des ventes grâce à l'occasion
Et cette nouvelle vague de fond ne se limite ni à l'alimentaire ni aux produits de premières nécessités. La marque Patagonia par exemple, apparenté à des vêtements haut de gamme, affiche un taux de croissance de 40 % en deux ans, en misant sur l’économie circulaire. Le groupe propose à ses clients d’acheter sur Ebay ses vêtements neufs mais aussi d’occasion. "Une façon originale de ré-affirmer la qualité de ses vêtements et de la faire découvrir à un public nouveau qui hésiterait à mettre le prix", affirme le mouvement Mes courses pour la planète qui a publié l'étude Le vrai coût des prix bas en février.
La marque a entamé un tournant en 2011 lors d’un black Friday avec ce slogan : "N’achetez pas cette veste… Si vous n’en avez pas besoin" en décrivant les 135 litres d’eau nécessaire à sa fabrication et les émissions de CO2 rejeté. Une campagne qui a fait bondir ses ventes.
Marina Fabre, @fabre_marina