Publié le 28 janvier 2021
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Avec le succès inédit de la série Lupin, Netflix montre qu’il n’est pas forcément le "grand méchant" de l’audiovisuel français
C'est la série française la plus populaire sur Netflix. Grâce aux 200 millions d'abonnés à la plateforme américaine, "Lupin, dans l'ombre d'Arsène" a fait un carton à l'international. Longtemps considérée comme l'ennemi numéro 1 du cinéma français, Netfilx montre qu'il peut être un outil utile. D'autant que la plateforme vient d'accepter de se plier aux règles tricolores et va investir entre 20 et 25 % de son chiffre d’affaires réalisés dans l’Hexagone dans la production d’œuvres françaises et européennes.

Netflix
C’est un véritable carton. La série française "Lupin, dans l’ombre d’Arsène" qui met en scène Omar Sy (Assiane Diop), dans le rôle d’un gentleman cambrioleur inspiré des livres de Maurice Leblanc a conquis le monde. À sa sortie le 8 janvier dernier, la série coproduite par Gaumont a pris la première place des séries les plus vues en France et dans plusieurs pays dont les Pays-Bas ou le Mexique et elle s’est même hissée dans le TOP 10 des contenus US de Netflix. Une première pour une série française.
S’il est légitime de s'inquiéter de l’ultra domination de Netflix sur la production et la diffusion audiovisuelle, surtout en période de fermetures des cinémas, jamais une série française n’aurait pu être diffusée avec autant d’ampleur sans la plateforme. En octobre, le nombre d’abonnés à Netflix atteignait les 195 millions d’abonnés dont près de 9 millions en France !
Netflix doit financer la création française
Depuis ses débuts, le géant américain et ses acolytes comme Amazon Prime ou Disney+ sont considérés par beaucoup d’acteurs du secteur, comme des ennemis de la création audiovisuelle. En cause, une hégémonie culturelle qui anesthésierait la création et qui participerait au "soft power" américain. D’autant que cet Ovni a, pendant des années, joué hors des règles du financement de l’exception culturelle française. Mais depuis peu, Netflix est rentré dans le rang et cela marque un vrai tournant pour l’industrie audiovisuelle et cinématographique.
La ministre de la Culture Roselyne Bachelot a en effet annoncé fin décembre que les plateformes de vidéo à la demande seront bientôt obligées de financer la création des films et séries produits en France. Netflix, Amazon Prime, Disney+ vont ainsi devoir investir entre 20 et 25 % de leurs chiffres d’affaires réalisés dans l’Hexagone dans la production d’œuvres françaises et européennes. "Nous avons abouti parce que nous avons négocié à la fois avec les producteurs, avec le monde du cinéma et le monde des plateformes", a expliqué la ministre évoquant un financement de "150 à 200 millions d’euros par an" pour Netflix alors que "pour l’instant, c’était zéro", assure Roselyne Bachelot. Ce décret devrait entrer en vigueur au deuxième trimestre 2021.
Le cinéma craint un changement d'habitude
Avec cet accord, Netflix entend se "dédiaboliser". Mi-janvier la plateforme a noué un partenariat avec la Cinémathèque française et s’est engagé à l’aider à préserver des films du patrimoine national. Le premier chantier porte sur la restauration de Napoléon d’Abel Gance, un chef-d’œuvre de 1927. Reste que pour le cinéma français, mis à genoux par le Covid-19, l’enjeu est de préserver l’attachement des citoyens pour les salles sombres.
La France possède en effet le premier parc cinématographique d’Europe avec plus de 2 000 cinémas. Chaque année, selon le Centre national du cinéma et de l’image animée, la fréquentation des salles atteint plus de 200 millions d’entrées. L’enjeu est donc de savoir si cette activité culturelle aura survécu à la crise, malgré l’assaut des plateformes. Le succès en salle de Tout simplement noir, de Jean-Pascal Zadi et John Wax ou encore d’Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal, entre deux confinements, est, en ce sens, plutôt rassurant.
Marina Fabre, @fabre_marina