Publié le 17 juin 2023
SOCIAL
Victoire de Yuka contre les "lobbys de la charcuterie" sur les nitrites
C’est une victoire pour Yuka. La cour d’appel de Paris a donné raison à l’application nutritionnelle face à la fédération des charcutiers. Elle a reconnu son droit d’alerter sur les risques pour la santé provoqués par la consommation de nitrites, ces additifs présents dans les saucissons, jambons et autres charcuteries, accusés d'augmenter le risque de cancer colorectal.

Yuka
La décision marque la fin de deux ans de procédures. Mercredi 7 juin, l'application nutritionnelle Yuka, poursuivie par la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (Fict) pour "pratiques commerciales trompeuses" et "dénigrement", a obtenu gain de cause devant la cour d'appel de Paris. "Cela clôture l’ensemble des procès en appel de façon positive", se félicite auprès de Novethic Julie Chapon, co-fondatrice de Yuka. Au cœur du litige : la question des nitrites. Yuka, qui permet de comprendre la composition des produits que nous achetons, alerte depuis plusieurs mois ses utilisateurs sur les risques provoqués par la consommation de ces additifs sur la santé.
Après avoir scanné un produit en rayon, l’application proposait en effet aux clients de signer une pétition demandant le retrait des nitrites et nitrates de potassium et de sodium dans les charcuteries. Lancée en collaboration avec l’association Foodwatch et la Ligue contre le cancer, elle a recueilli jusqu’à aujourd’hui plus de 523 000 signatures, dépassant largement l’objectif envisagé par l’entreprise. C'est l'établissement d'un lien direct entre des informations nutritionnelles et une démarche militante qui avait amené les charcutiers à saisir la justice, estimant que Yuka s'était ainsi rendue coupable d'un "appel au boycott" envers les consommateurs.
Débat d’intérêt général
L’entreprise fait face depuis 2021 à trois attaques en justice, "notamment par les industriels charcutiers et leur lobby, la Fict, qui représente les intérêts de petits fabricants mais aussi de marques connues telles Herta, Fleury Michon, Aoste ou Madrange", souligne Foodwatch dans un communiqué. Si elle avait été condamnée en première instance, toutes les requêtes portées par les industriels ont finalement été rejetées. En décembre 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait déjà tranché en faveur de Yuka, déboutant la société A.B.C Industrie de l’ensemble de ses demandes.
Sur le dénigrement, la cour de Paris souligne "la réalité d'un sujet et d'un débat public d'intérêt général sur les conséquences en matière de santé pour les consommateurs de l'utilisation des additifs nitrés dans les charcuteries (...) de sorte que les allégations incriminées sur l'application Yuka (...) s'inscrivent dans le cadre d'un sujet d'intérêt général". "Il ne résulte des allégations incriminées aucun appel au boycott", estime également la cour, soulignant que la pétition "doit être protégée au titre du droit à la liberté d'expression dont il n'est caractérisé aucun abus".
Le combat continue
Elle infirme enfin le jugement de première instance sur la responsabilité qu'il avait imputée à l'application en matière de pratiques commerciales trompeuses et condamne la fédération des charcutiers à verser 60 000 euros à Yuka au titre des frais de justice. "Nous avions raison depuis le début d’alerter sur les risques pour la santé et nous sommes ravis que par trois fois la Cour d’appel ait estimé que l’information prévalait sur les intérêts privés des charcutiers-traiteurs voulant nous bâillonner", déclarent Yuka, Foodwatch et la Ligue contre le cancer dans un communiqué commun.
Les trois organisations rappellent qu’en juillet 2022, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié un avis confirmant "l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal." Malgré cette victoire, le chemin reste donc encore long. "Il y a une loi nitrites qui a été adoptée il y a quelques mois maintenant, mais qui pour nous n’est pas du tout satisfaisante puisqu’elle vise à réduire la quantité des nitrites et pas à les interdire. On va donc continuer se battre", affirme Julie Chapon.
Florine Morestin avec AFP