Publié le 30 septembre 2021

SOCIAL

Les industriels de la charcuterie remportent une nouvelle victoire contre Yuka, désormais en danger

Yuka, l'application qui décrypte les composants des produits alimentaires vient d'être condamnée, pour la troisième fois depuis mai, pour "dénigrement" après avoir classé en "risque élevé" des charcuteries contenant des nitrites. Elle dénonce les "procédures baillons" de la fédération des entreprises du secteur qui multiplie les attaques judiciaires contre l'appli. 

L'application Yuka est visé par les industriels de la charcuterie qui l'accusent de dénigrer l'image de leur filière en stigmatisant les nitrites.
@Yuka

C’est l’application star des produits alimentaires. Yuka, lancée en janvier 2017, a conquis en quatre ans plus de 25 millions d’utilisateurs dans le monde dont 16 millions en France. Il faut dire qu’elle répond à une crise de défiance des consommateurs envers les acteurs de l’agroalimentaire. Alors qu’il est difficile de comprendre la composition des produits que nous mangeons, Yuka mâche le travail et indique, en un scan, si le produit est excellent, bon ou médiocre. Mais la success story de Yuka est en train de considérablement s’assombrir. Depuis le mois de mai, l’entreprise a été trois fois condamnée pour "pratiques commerciales trompeuses" et "dénigrement".

Au cœur de ces trois condamnations, les nitrites. Ces additifs, présents dans de nombreuses charcuteries, sont suspectés de favoriser l’apparition du cancer colorectal. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a d’ailleurs classé la viande transformée dans la catégorie des aliments présentant un risque cancérigène pour l’humain. "Avec l’alcool, la charcuterie est ainsi devenue le seul aliment consommé en France faisant l’objet d’un tel classement", pointe un rapport d’information du Sénat sur le sujet. 

Une atteinte à la réputation et à l'image

Face à cette polémique, Yuka a décidé d’apposer la classification "risque élevé" à tous produits scannés contenant des nitrites et d’y ajouter un lien vers une pétition appelant à les interdire en France. La Fédération française des industriels charcutiers traiteurs a assigné en justice au début de l’année l’application jugeant qu’elle stigmatise la filière charcuterie. "Nous considérons que les allégations de Yuka portent injustement atteinte à l’image et à la réputation des produits de charcuterie", insiste la fédération. Et le tribunal lui a donné en partie raison. 

"Suite aux différentes décisions, nous avons dû supprimer la pétition de l’application, enlever les termes cancérigènes et génotoxiques qui faisaient référence aux nitrites ingérés et remplacer le terme "risque élevé" par "à éviter". Au-delà de la problématique de santé publique, cette décision pose une vraie question sur la liberté d’expression et la liberté d’information des consommateurs, puisqu’il a notamment été demandé à Yuka de supprimer de l’application toute mention précisant que les nitrites seraient cancérigènes", explique la cofondatrice, Ophelia Bierschwale. Car l’avis de l’OMS tranche avec celui, plus rassurant de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). 

"Leur but est de nous user financièrement"

Reste que ces condamnations représentent un coût douloureux pour Yuka, qui devra s’acquitter de 20 000 euros de dommages et intérêts à verser aux saucissons Auvernou. Les fondatrices de Yuka dénoncent-elles des "procédures baillons" de la part du lobby charcutier. "Leur but est de nous user financièrement et moralement afin qu’on mette la clé sous la porte", estime Ophelia Bierschwale qui a lancé une cagnotte en ligne.  

Si les industriels de la charcuterie ont indéniablement gagné une bataille juridique - même si Yuka compte faire appel - reste à savoir quelle sera la réception des consommateurs, déjà défiants à l’égard de l’industrie agroalimentaire. Si, depuis quelques années maintenant, certains industriels à l’instar d’Herta ont lancé des gammes sans nitrite avec succès, le revers de ce bras de fer juridique pourrait s’avérer contre-productif et alimenter, à nouveau, la méfiance des citoyens.  

Marina Fabre, @fabre_marina 


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

SOCIAL

Consommation

Produits verts, bio, issus du commerce équitable ou made in France….les marques multiplient les produits vendus comme écologiques, durables et responsables et les consommateurs prennent conscience de l’impact de leur choix sur l’environnement. Ces nouvelles pratiques de consommation doivent reposer sur des labels crédibles.

Desinfluence influenceurs tik tok reseaux sociaux

Désinfluence : sur les réseaux sociaux, les influenceurs tournent le dos à la surconsommation

Depuis quelques semaines, le ton a changé sur TikTok. Cosmétiques, fast-fashion, accessoires… Fini les codes promo et les partenariats, les influenceurs présentent aujourd’hui à leur communauté les produits à ne pas acheter. Une tendance qui prend de l’ampleur mais qui ne relève pas toujours de la...

Publicite istock

Travailler plus pour consommer plus : les effets pervers de la publicité

Un rapport de l’association Communication et démocratie et de l’Institut Veblen, s’appuyant sur une étude universitaire, montre les impacts économiques très concrets des dépenses de publicité en France. Celles-ci ont conduit à une hausse de la consommation mais aussi à une hausse des heures...

Voitures suv istock

"La baisse des ventes de véhicules profite aux constructeurs automobiles", selon Aurélien Bigo

La baisse des ventes automobiles n'est une bonne nouvelle ni pour le climat, ni pour les particuliers. C'est ce qu'explique à Novethic le chercheur sur la transition énergétique des transports, Aurélien Bigo. Il décrypte la stratégie des constructeurs : vendre moins mais plus chers des véhicules...

Ville verte sobriete frugalite pietons velos verdure transition istock Michael Wels

Inscription dans la loi, partage de l'effort, temps de travail : plus de 5 000 citoyens font des propositions en faveur de la sobriété

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté mercredi 11 janvier un avis sur la sobriété afin de favoriser son évolution dans la société et dans nos modes de vie. Signe que le sujet, encore tabou il y a un an, se démocratise. Parmi la vingtaine de préconisations, il y a la...