Publié le 08 décembre 2016

SOCIAL

Sous les emballages cadeaux, des ouvrières du jouet exploitées

Des Barbies, des princesses Disney, des petites voitures… Ces jouets qui peuvent être produits dans des usines chinoises par des travailleuses exploitées. C’est ce que dénonce l’ONG China Labour Watch, qui a mené l’enquête dans quatre usines fournissant McDonald’s, Disney, Walmart, Mattel et Fisher-Price. En France, l’association ActionAid - Peuples Solidaires appelle à la responsabilité de ces grandes marques de jouets. 

À l’angle du boulevard Haussmann et du boulevard des Italiens, à Paris, un énorme cadeau trône sur le trottoir. À l’intérieur : une Barbie géante, enceinte, en bleu de travail.
Marina Fabre / Novethic

Une scène de rue surréaliste. Ce mercredi 7 décembre, à l’angle du boulevard Haussmann et du boulevard des Italiens, à Paris, un énorme cadeau trône sur le trottoir. À l’intérieur : une Barbie géante, enceinte, en bleu de travail.

À l’approche de Noël, l’association ActionAid - Peuples solidaires, à l’initiative du projet, veut ainsi interpeller les consommateurs et les grandes marques de jouets sur les violations des droits des travailleur.se.s dans les usines chinoises de jouets. Elle s’appuie sur le travail d’une autre ONG de terrain, avec qui elle entretient un partenariat.

De mai à septembre, China Labour Watch, a enquêté dans quatre usines* de jouets chinoises. Elle y a découvert de graves atteintes aux droits du travail, spécifiquement concernant des travailleuses, surreprésentées dans le secteur.

 

Les femmes particulièrement touchées 

 

"Les employeurs recrutent de préférence des femmes sur la base d’idées reçues. Les femmes seraient par exemple moins aptes à se rebeller contre des règles difficiles, voire illégales, de travail, assure Mégane Ghorbani, chargée de mission Droits des femmes chez ActionAid - Peuples solidaires France. Les femmes ont un choix limité en matière de travail et ont moins accès au marché du travail officiel. Conscients de ces barrières, les employeurs en jouent pour exploiter cette main d’œuvre." 

En travaillant 11 voire 13 heures par jour, 6 à 7 jours par semaine, ces travailleuses sont souvent contraintes de vivre séparées de leurs proches, loin de leurs enfants, de leurs parents et de leur conjoint. Elles gagnent le salaire le plus bas autorisé par la loi pour un travail qu’elles effectuent dans un environnement dangereux et nocif.

Elles sont entassées par groupes de dix dans de minuscules dortoirs. En hiver, beaucoup n’ont même pas droit à des douches chaudes. Ces travailleuses sont privées de tout moyen de se plaindre et les représentants syndicaux sont nommés par la direction des usines, rapporte l’ONG.

China Labour Watch affirme que les jouets produits dans ces usines fournissent Mattel, Disney, McDonald’s, Walmart, Fisher-Price et Hasbro.

 

McDonald’s lance une enquête 

 

Novethic a contacté toutes les marques mises en cause. Seules deux entreprises ont pour l'instant réagi. McDonald's confirme être client de l’usine Combine Will, située à Dongguan. L’enseigne "s’engage à assurer des normes de travail équitables et éthiques à tous les niveaux de sa chaîne d'approvisionnement" et "prend très au sérieux ces allégations", a commenté un porte-parole. Le géant du fastfood dit avoir lancé une enquête en collaboration avec ICTI Care (International Council of Toy Industries) et commencé un "examen approfondi" des violations du droit du travail pointées dans l’enquête. 

Hasbro affirme de son côté ne pas fabriquer "à l'heure actuelle" des jouets "dans les quatres usines nommées". L'entreprise a confirmé à China Labour Watch ne plus travailler avec l'usine Combine Will depuis 2015.

 

Des actionnaires mobilisés

 

Le but de la mobilisation n’est pas de pousser les grandes marques à rompre leur contrat avec leurs sous-traitants, prévient toutefois ActionAid. "Cela priverait les travailleuses du salaire minimum, qui est déjà très faible, rappelle Mégane Ghorbani. Les grandes marques doivent surtout prendre leur responsabilités et faire respecter le droit du travail." 

Un sujet que les actionnaires peuvent pousser lors des assemblées générales. Depuis 20 ans, Marie-Claude Hessler, petite actionnaire de Mattel, activiste, met sur la table la question des conditions de travail lors de ces évènements. "Cela permet d’aborder de manière régulière le sujet et de générer des propositions de résolution. Ce qui est essentiel, c’est la persévérance." 

 

* FNMD, Chang’an Mattel Toy Erchang, Combine Will, Weilifeng.

 

Mise à jour le 8 décembre 2016 à 12h40

Marina Fabre
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