Publié le 09 octobre 2020
SOCIAL
[Révolution au travail] Ces entreprises qui prêtent leurs salariés
Le Covid-19 bouscule le monde du travail et force les entreprises à repenser leur organisation. Chaque semaine, nous vous proposons de découvrir ces pionnières qui ont adopté une nouvelle culture managériale. Aujourd'hui, nous sommes allés à la rencontre de ces entreprises qui ont opté pour le prêt de salariés afin de faire face à la crise. Une pratique encadrée depuis 2011 mais qui peine à se généraliser.

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"L’impact de la Covid-19 a eu un fort impact sur notre chiffre d’affaires, alors la décision d’exploiter le prêt de main-d’œuvre fut une évidence", raconte Camille Anton, Directrice des ressources humaines chez Bucher Vaslin, près d’Angers, une entreprise spécialisée dans la vinification. Elle est considérée comme une pionnière dans la région. "En 2016, dans ma précédente entreprise, alors que nous étions également confrontés à une crise, nous avions initié le prêt de main-d’œuvre afin d’éviter des décisions plus difficiles. Alors peu connu à ce moment-là, il a fallu prendre mon bâton de pèlerin pour rencontrer d’autres DRH et expliquer le concept." C'est un succès.
Le prêt de main-d’œuvre, inscrit dans le Code du travail depuis 2011, fait timidement son retour avec la crise du Coronavirus. Il s’agit de permettre le prêt de salariés, entre des entreprises qui connaissent une baisse d’activité et des entreprises en pleine croissance qui recherchent de la main-d’œuvre. Le salarié, qui doit donner son accord avant l’échange, garde son contrat de travail et sa rémunération. Il y gagne également en employabilité, découvre un nouvel univers et acquiert de nouvelles compétences.
De nombreux freins
"C’est vraiment une relation gagnant-gagnant", assure Camille Anton. Alors que Bucher Vaslin a actuellement 40 % de ses ateliers à l’arrêt jusqu’à la fin de l’année, elle mise sur cet outil supplémentaire pour éviter que les ouvriers subissent trop de perte de salaire durant cette période compliquée. À ce jour, une seule convention a été signée, il s’agit d'un chaudronnier-soudeur qui a trouvé preneur dans une entreprise de menuiserie pour particuliers. "Ça ne prend pas comme je voudrais, se désole la DRH, mais il faut dire que nous sommes tous dans une situation compliquée face à une crise mondiale sans précédent."
Pour donner de la visibilité à ce dispositif qui reste encore largement méconnu, l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) a lancé une plateforme de mise en contact. Trois mois après son lancement, elle compte une cinquantaine d’entreprises et 350 salariés en mobilité. "Cela reste compliqué de faire se correspondre offre et demande, car il faut résoudre en même temps la contrainte géographique, celle de la simultanéité du besoin, la question des compétences, le cadre juridique et puis, accompagner l’entreprise prêteuse qui peut avoir peur de voir son salarié débauché", résume David Derré, directeur emploi et formation au sein de l’UIMM.
Quelques prêts ont quand même été conclus ici et là. Dans le Sud-Ouest, Epta France, spécialiste des solutions en réfrigération, accueille depuis fin juin quatre salariés de la société aéronautique voisine. Le secteur du transport routier a quant à lui lancé sa plateforme dès le mois de mars permettant en quelques jours de mettre plus de 400 salariés, des chauffeurs poids lourds pour la plupart, à disposition de l’agroalimentaire sous tension. À Angers encore, deux mécaniciens et deux managers du constructeur de poids lourds Scania sont venus renforcer les équipes de Kolmi-Hopen, leader de la fabrication de masques.
Regain d'intérêt avec le Covid
Dans les Hauts de France, le réseau "Entreprises et cités" vient lui aussi de lancer sa plateforme en partenariat avec Mobiliwork, une startup spécialiste du prêt de salariés, créée en 2015. "Pour l’instant, nous sommes en phase de communication et d’explication car les entreprises n’ont pas encore ressenti une baisse d’activité franche. Nous nous tenons prêts", assure Philippe Descamps, directeur général de ce campus dédié aux entrepreneurs.
Même son de cloche chez Mobiliwork, qui a relancé son activité de prêt avec le Covid, après l’avoir mise un temps en sommeil. "C’est maintenant que ça peut décoller afin d’éviter le chômage partiel, des licenciements, ou des accords de performance collective, explique son fondateur Jérôme Gonon. Pour l’entreprise prêteuse, il y a un double enjeu financier et RH, car en plus de réduire ses charges, elle garde ses talents. L’État est lui aussi gagnant car c’est une solution gratuite alors que le chômage partiel lui coûte extrêmement cher."
Concepcion Alvarez @conce1