Publié le 25 avril 2020
SOCIAL
Les femmes sont en première ligne contre le Coronavirus mais leurs emplois sont dévalorisés
Elles sont infirmières, aides à domicile, caissières, aides-soignantes,... Les femmes sont en première ligne contre la crise du Covid-19. Or, leurs métiers, essentiels à la Nation, sont dévalorisés et invisibilisés. Les syndicats appellent à leur revalorisation alors qu'Emmanuel Macron a dessiné, sans précision pour l'instant, les contours d'un monde d'après-crise plus durable et plus équitable, notamment pour ces métiers non reconnus.

PASCAL GUYOT / AFP
"Ce qui fait tenir la société, c’est d’abord une bande de femmes". Cette phrase, prononcée par Christiane Taubira le 13 avril sur les ondes de France Inter, résonne encore dans la tête des caissières, infirmières, aides à domicile… Car dans cette "guerre", comme Emmanuel Macron nomme la crise sanitaire en cours, les femmes sont au front. Elles sont en effet sur-représentées dans les métiers essentiels au pays.
Ainsi, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), près de neuf caissiers sur dix sont des femmes, soit 135 000 caissières sur un total de 150 000 emplois équivalents temps plein. Chez les aides à domiciles et aides ménagères, les femmes représentent même 98 % des effectifs, selon l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (Una). Neuf infirmiers sur dix sont des femmes. Et cette sur-représentation est aussi valable pour les aides-soignantes.
Des métiers à l'importance vitale
"Les personnes qui assurent aujourd’hui majoritairement la survie quotidienne de notre pays en termes de santé, en contact direct avec les malades, que ce soit les infirmièr.es, les aides soignant.es ou le personnel assurant la restauration ou le ménage, à l’hôpital ou dans les EPHAD, ce sont des femmes", écrit ainsi le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans un rapport du 14 avril. "Les personnes qui permettent aujourd’hui majoritairement que l’accès aux denrées alimentaires et aux biens de première nécessité soit possible, en tant que caissières dans les supermarchés ou dans les magasins de détail, en contact direct avec le public, ce sont des femmes", insiste l’institution.
Malgré leur importance vitale, ces métiers sont pourtant invisibilisés et déconsidérés dans notre société. Même Emmanuel Macron, dans son allocution du 13 avril a reconnu ce phénomène, sous forme de mea culpa : "Il nous faudra nous rappeler ainsi que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal". Si le chef de l'Etat n'a pas évoqué la prédominance féminine de ces emplois vitaux, notamment ceux de l'économie du care, la sociologue Dominique Méda, qui fait en ce moment la tournée des médias, souhaite une prise de conscience sur ce sujet.
Une revalorisation post Covid 19 ?
"Une partie de ces métiers sont considérés comme peu ou non qualifiés, car les compétences qui y sont déployées sont vues comme un prolongement des compétences naturelles. Avec l’idée que soigner, être souriante, avoir du relationnel, les femmes sauraient le faire de toute éternité", explique-t-elle sur France Culture. "Des chercheuses comme Séverine Lemière et Rachel Silveira ont montré combien ce raisonnement-là était à l'origine d'une sous-rémunération chronique de ces emplois. (…) Étant donnée la situation, il faudrait non seulement augmenter les salaires de ces professions mais aussi s'engager très rapidement dans une révision de ces grilles", prévient Dominique Méda.
Les organisations syndicales sont en tout cas mobilisées sur le sujet. Dans une tribune publiée le 18 avril dans Le Monde, la CGT, la CFDT, FO, ou encore l'Unsa appellent à une revalorisation des salaires des emplois à prédominance féminine. Reste à savoir ce qu’Emmanuel Macron, qui, dans sa dernière allocution, a donné un cap social au monde d’après le Coronavirus, entend réellement faire pour changer la donne. Derrière l’horreur des grandes guerres, l’histoire des femmes a été marquée par des avancées notables à la sortie de ces crises, comme le droit de vote des Françaises en 1944. Celle du Covid-19 suivra-t-elle la même logique ?
Marina Fabre, @fabre_marina