Publié le 07 avril 2020
SOCIAL
Coronavirus : les travailleurs ubérisés exposés à tous les risques
Depuis trois semaines, la France entière est confinée. Outre les soignants, agriculteurs, éboueurs, policiers, caissières, qui sont vitaux au bon fonctionnement de la société, il y a d'autres travailleurs qui continuent de risquer leurs vies pour des activités qui sont très loin d'être essentielles. Les syndicats de livreurs appellent ainsi à la fermeture des plateformes tant que le confinement reste de mise.

@Edouard Richard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Depuis le 14 mars, la France entière est confinée pour stopper la propagation du virus. Mais alors que les rues se sont vidées, des coursiers à vélo ou en deux-roues ou au volant de leurs camionnettes continuent d’arpenter les grandes villes, afin de livrer burgers, pizzas et autres denrées... Parmi les commandes les plus insolites passées ces derniers jours, on trouve par exemple la livraison d’un Kinder Bueno, d’un Orangina, d’un pack de bières, de glaces… des produits qui sont loin d’être vitaux.
"Les livreurs sont potentiellement des vecteurs de propagation du virus. Ils sont en contact avec le restaurateur, les parties communes des immeubles, les digicodes, boutons d’ascenseur. Ils sont susceptibles d’être contaminés, mais aussi de contaminer leurs familles et les clients qu’ils livrent", alerte Jérôme Pimot, du collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap).
Protéger et "Servir"
Il n'y a plus que les policiers et les livreurs dans la rue.
- Les uns pour PROTÉGER le pays
- Les autres pour SERVIR....
...Kinder Bueno, Vache_qui_rit, Haribo, Kréma et Nutella
LA GUEULE de "LA GUERRE" !!! https://t.co/njEgEGfwPC pic.twitter.com/wnWx0c5BDX— CLAP (@_CLAP75) March 23, 2020
Des partenariats avec Carrefour et Franprix
Malgré le confinement, les livraisons à domicile ont été autorisées via les plateformes de livraison comme Uber Eats, Deliveroo, Frichti, Stuart ou Glovo. Celles-ci se présentent d’ailleurs comme une aubaine pour les restaurateurs mais aussi pour les Français qui peuvent continuer de se nourrir sans sortir de chez eux. En outre, il est désormais possible pour les clients Deliveroo de se faire livrer leurs courses commandées chez Franprix.
UberEats et Carrefour ont annoncé un partenariat du même type, effectif à partir du 6 avril à Paris et sa proche couronne, avant un déploiement national. Le géant américain n’avait pas hésité à offrir les frais de livraison jusqu’au 31 mars, pour les commandes passées le midi, "afin de soutenir les Français qui télétravaillent, les restaurants qui ont dû fermer leurs portes et poursuivre l'activité pour les livreurs qui le souhaitent", selon un communiqué de presse.
En cas de contamination au Covid-19 ou de mise en quarantaine, une indemnisation est prévue. Deliveroo propose par exemple de verser 230 euros pour 14 jours de déconnexion à condition d'avoir fait 130 euros de chiffre d’affaires chaque semaine pendant les quatre dernières semaines. "Un fonds exceptionnel cumulable avec l'indemnisation maladie offerte par Deliveroo et les indemnités journalières de la Sécurité Sociale", précise un porte-parole. "Les livreurs indépendants sont éligibles au fonds de solidarité annoncé par Bruno Le Maire en cas de perte de chiffre d'affaire de 50 %", ajoute-t-il.
"Personne ne mourra privé de california makis"
Le gouvernement, de son côté, a publié un guide des bonnes pratiques pour développer la livraison sans contact et rappeler les gestes barrière. Mais sans attendre, de nombreux restaurants et certaines chaînes de restaurant ont pris l’initiative de cesser leur livraison de repas sur ces plateformes. C’est le cas par exemple de Burger King, Quick, ou encore Domino’s. Plusieurs syndicats et collectifs demandent l’arrêt immédiat généralisé.
"Les livreurs doivent continuer à travailler la peur au ventre car s’arrêter signifie une perte de rémunération. Sous le statut d'auto-entrepreneur, ils ne peuvent pas recourir au chômage partiel. Ils pourraient bénéficier de certaines aides d’État mais cela signifie une tonne de paperasse à remplir pour des personnes hyper précaires qui ont du mal avec la comptabilité, l’administratif… C’est bien pour ça qu’ils passent par des plateformes qui s’occupent de tout. La fermeture serait plus simple et prudente", explique Jérôme Pimot du collectif des livreurs autonomes.
"Il est urgent d’arrêter le sacrifice des travailleurs ubérisés sur l’autel du profit des plateformes numériques et au mépris des précautions sanitaires. Soyons sérieux : non la livraison de pizzas et de sushis n’est pas une activité essentielle. Personne ne mourra parce que privé pendant deux mois de california makis. Cette activité doit s’arrêter immédiatement", appelle aussi Leila Chaibi, députée européenne La France Insoumise, membre de la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen.
Concepcion Alvarez, @conce1