Publié le 19 octobre 2022
Pour couper court au débat lancé par les grévistes de TotalEnergies opposant l'augmentation de 52% de la rémunération de leur dirigeant à celle qui leur était proposée de 5%, Patrick Pouyanné a publié un graphique montrant l'évolution de sa rémunération sur 5 ans. Au vu des nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, était-ce la bonne stratégie ? 

Adepte de la stratégie offensive, Patrick Pouyanné a voulu couper court à la polémique sur l’augmentation de sa rémunération de 52% en publiant un graphique montrant son évolution sur les cinq dernières années.


Son objectif : montrer que ces 52% d’augmentation s’expliquent par rapport à la baisse de sa rémunération de 2020, liée au contexte de la pandémie de Covid-19, et que par ailleurs il reste en dessous de son niveau de rémunération des années précédentes. Le déferlement de commentaires tournant en ridicule cette stratégie visant à faire accepter une rémunération qui reste élevée aux yeux de la moyenne des salariés français s’est rapidement retournée contre lui.


Derrière l’anecdote, le symbole


Il faut dire que la grève de TotalEnergies est devenue l’emblème du partage de la valeur entre les différentes parties prenantes des entreprises. L’annonce de l’augmentation exceptionnelle du dividende pour récompenser les actionnaires des excellents résultats de 2021 a été le déclencheur de la mobilisation exceptionnelle des salariés s’estimant lésés. Après plusieurs semaines de grève, le débat a glissé sur l’écart entre les salaires moyens dans une entreprise cotée et la rémunération de ses dirigeants. Et de ce point de vue le dirigeant de Total Énergies est très loin de battre des records au sein du CAC 40. Il est 22e dans le classement de cette fourchette d’écart (dite "pay ratio" dans les stratégies d’analyse ESG).  
Twitt EMonceau


Patrick Pouyanné est donc bien derrière, en termes d’écart de rémunération, des deux premiers dirigeants du CAC 40, le patron de Teleperformance et celui de Dassault Système. Le premier, Daniel Julien, gagne 839 fois le salaire moyen de ses centres d’appels. Le second, Bernard Charlès, gagne 394 fois le salaire moyen de son entreprise d’ingénieurs. Cet écart de rémunération entre les dirigeants et ceux qui font tourner les entreprises est un risque social majeur comme le montre la grève dans les raffineries

Quand "rémunération" rime avec "déconnexion"


Sanofi en a fait l’expérience. Cash Investigation, l’émission d’Élise Lucet, avait montré l’impossible dialogue au sein de son assemblée générale de 2015 entre les salariés d’un groupe qui a fait de nombreux plans sociaux motivés par son optimisation financière et les dirigeant du groupe. Ces derniers justifiaient leurs niveaux de rémunération par comparaison avec leurs pairs. Un décalage avec le quotidien de la majorité des Français qui a du mal à passer.
Sept ans plus tard, Patrick Pouyanné en fait les frais. Les différentes polémiques dont TotalEnergies est au centre fragilisent la stratégie du dirigeant à vouloir positionner le groupe comme acteur majeur de la transformation énergétique, à l’heure où transition environnementale et sociale vont de pair. À ce titre, rappelons qu’il est devenu président d’Entreprises Pour l’Environnement (EPE) au printemps dernier. 
Anne-Catherine Husson-Traore @AC_HT_

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