Publié le 08 juillet 2022

POLITIQUE

Johnson après Trump, les populistes à mèche blonde vont-ils lâcher le pouvoir dans les démocraties qu’ils épuisent ?

La démission de 45 membres de son gouvernement a acculé Boris Johnson à la démission. Il avait réussi à rester au pouvoir malgré les scandales des "partygate", ses vérités alternatives, ses remises en cause des engagements du traité post-brexit, son plan de transfert des migrants vers le Rwanda… Il avait allumé tous les contrefeux possibles à l’image de son homologue américain, Donald Trump pour être inamovible. Les deux hommes ont en commun leur coiffure blond peroxydée et un populisme de réseaux sociaux qui a profondément transformé la vie politique dans leurs pays respectifs et au-delà. 

Boris johnson NIKLAS HALLE N AFP
Boris Johnson a quitté le 7 juillet la tête du Parti conservateur et restera Premier ministre jusqu’à ce qu’un nouveau dirigeant soit désigné.
NIKLAS HALLE'N / AFP

Boris Johnson (2019-2022) Donald Trump (2016-2020). Deux mandats exercés par des hommes qui ont conquis le pouvoir politique après avoir pris à la hussarde les partis conservateurs de leurs pays respectifs. Leurs programmes, simplistes, tiennent en un slogan "Get Brexit done" pour Boris Johnson, "Make America Great Again" pour Trump. Ce simplisme est leur meilleur allié dans des démocraties minées par les réseaux sociaux utilisés pour influencer les résultats électoraux. L’accession au pouvoir de Johnson, avatar du Brexit, et de Trump porté par l’Amérique profonde, a été grandement facilitée par les algorithmes de psychologie comportementaliste construits à partir des données personnelles d’utilisateurs de réseaux comme Facebook.

Ces stratégies d’influence politique consistent à bombarder de messages adaptés à des cibles définies grâce à leur Like. Pour le lanceur d’alerte, Christopher Wylie, le rôle joué par AggregateIQ, filiale de Cambride Analytica a été décisif dans le Brexit. Il estime que "sans AggregateIQ, le camp du 'Leave' n'aurait pas pu gagner le référendum qui s'est joué à moins de 2 % des votes". Et sans Brexit, Johnson qui avait rejoint le camp du Leave in extremis, n’aurait sans doute jamais été Premier Ministre, rôle dont il rêvait depuis toujours et qu’il doit abandonner caricaturé en clown pathétique.

Dans le cas de Trump les révélations de la mission d’enquête du Congrès sur son comportement après son échec électoral et surtout pendant l’attaque du Capitole en janvier dernier sont accablantes. Son biographe, Tony Schwartz, qui s’est excusé à plusieurs reprises d’avoir aidé à glorifier Donald Trump, a réaffirmé à cette occasion que l’ancien président américain était selon lui un sociopathe qu’il fallait enfermer en prison. 

S’ils ont de nombreux points communs, leurs engagements sur le changement climatique divergent. Boris Johnson qui s’est formé tardivement, explique avoir eu "une révélation" à la suite d’un brief scientifique donné au 10 Downing Street le 28 janvier 2020. Jusque-là, on lui connaissait plutôt des opinions quasi climato-sceptique. Avec l’organisation de la COP 26 en Écosse, il a tenté de se tailler un costume de leader climatique sans vraiment y parvenir.

Des punchlines et vérités alternatives qui fragilisent la démocratie

Donald Trump en revanche a commencé par sortir de l’Accord de Paris dès le début de son mandat, réautorisé les projets d’oléoducs suspendus par son prédécesseur Barack Obama et cristallisé ainsi contre lui les défenseurs du climat qui ont contribué à ne pas le faire réélire. Boris Johnson lui a affiché un en engagement pour l’éolien et le nucléaire mais annoncé après la guerre en Ukraine que pour assurer son indépendance le Royaume Uni allait autoriser des nouveaux forages pétroliers et gaziers en Mer du Nord, contrairement aux recommandations de l’AIE.

Les deux bateleurs ont dû quitter la scène contre leur volonté mais ils restent en embuscade et continuent à incarner un modèle de dirigeant occidental plutôt nuisible pour la démocratie parce qu’ils remplacent par des vérités alternatives et des punchlines les discours politiques de fond. Leurs clashs caricaturaux vident, dans un premier temps, le débat public de sa substance et dans un second temps, conduit à réécrire l’histoire. L’arrivée au pouvoir de Bolsanaro au Brésil ou de Marcos plus récemment aux Philippines sont calquées sur leur modèle à base de désinformation massive. Il faudra plus qu’une piteuse démission de Johnson et une commission d’enquête sur la prise du Capitole avortée pour inverser ce mouvement. 

Anne-Catherine Husson Traore, directrice générale de Novethic, @AC_HT


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