Publié le 08 novembre 2021

ENVIRONNEMENT

COP26 et climat : qui a le leadership mondial ?

Les deux semaines de la COP 26 organisée à Glasgow sont le théâtre d’un combat intense. D’un côté des négociateurs et des dirigeants qui déclarent avoir pris conscience de la gravité de la situation. De l’autre des activistes qui, du monde entier, tentent de les convaincre d’adopter des plans de transformation à la hauteur des risques. Du ministre des Tuvalu, les jambes dans l’eau à Greta Thunberg en passant par les milliers de manifestants qui ont défilé dans les rues de Glasgow et d’ailleurs, le réveil climatique des citoyens a-t-il sonné et ont-ils la capacité de renverser la table ? 

COP26 Simon Kofe Boris Johnson TUVALU GOVERNMENT JEFF J MITCHELLPOOL AFP
Simon Kofe, ministre des Affaires étrangères de Tuvalu, a adressé un message fort à la Cop26 illustrant la montée des eaux alors que le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est assoupi pendant les négociations.
TUVALU GOVERNMENT / JEFF J MITCHELLPOOL AFP

Six ans après l’Accord de Paris, la COP26 organisée dans le climat rude de l’Écosse déclenche des tempêtes. 2015 semble loin. L’Accord de Paris avait pourtant engendré en un espoir formidable. Les États se sont accordés sur l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 2° maximum, 1,5 ° de préférence pour garder les pays les plus vulnérables vivables. Des engagements pro climat ont été pris tous azimuts par de grandes entreprises et des acteurs financiers de poids. Si l’objectif reste partagé, la feuille de route pour atteindre la neutralité carbone en 2050 semble beaucoup plus floue. Les États, les entreprises et les investisseurs qui se retrouvent à la COP26 sont bien en train de verdir leur action mais en misant sur des technologies à venir et un agenda qui permet d’attendre encore un peu des décisions radicales.

Quelques exemples : l’Inde s’est fixé le cap de 2070, l’Australie veut atteindre la neutralité carbone sans sortir du charbon et l’Indonésie a trahi au bout de 24 H son engagement à mettre fin à la déforestation. Côté entreprises, les annonces des compagnies pétrolières et grandes entreprises participantes ont aussitôt été accusées de green washing à cause de la place de la compensation dans leurs programmes de réduction des émissions. Même effet pschitt pour les 130 000 milliards d’actifs gérés par les signataires de l’Alliance Globale pour la Neutralité Carbone (#GFANZ) annoncé triomphalement par Mark Carney, star de la finance verte. Il lui a aussitôt été rétorqué que ce n’est pas le volume qui compte mais la réorientation massive des flux financiers vers des modèles bas carbone qui n’est toujours pas à l’ordre du jour.

D’où la crispation des milliers d’activistes environnementaux mobilisés à l’extérieur de la COP. Ils ont massivement défilé dans les rues pour appeler les négociateurs à adopter les plans d’actions concrets et rapides afin de transformer les modes de production et de consommation, la crise du COVID 19 ayant montré que c’était possible.

Dans son discours de Glasgow visionné plus d’1,5 million de fois, Greta Thunberg a interpellé les dirigeants du monde entier. "Nous n’avons pas besoin d’engagements non contraignants, de promesses vides. Or c’est tout ce que nous proposent ces soi-disant leaders qui vivent dans une bulle avec l’espoir illusoire que des technologies vont permettre de sauver l’humanité ainsi que la planète. Ils pensent que nous sommes radicaux mais ce sont eux qui le sont, terrifiés par la vérité qu’ils refusent d’affronter. Les vrais leaders c’est nous les jeunes, leurs enfants qui refusent ces décennies de bla bla bla."

La puissance des images

Même si nombreux sont ceux qui tentent de la décrédibiliser avec des arguments scientifiques du style "pourquoi cette gamine de 18 ans qui ne sourit jamais doit-elle donner des leçons ?", la puissance de sa parole pèse lourd face à des images désastreuses qui ont fait le tour du monde. Les dirigeants du G20 ont commencé par avoir l’idée saugrenue de jeter une pièce dans la fontaine de Trevi à Rome pour souhaiter bonne chance à la COP26 et au climat. Ensuite Joe Biden et Boris Johnson ont été photographiés en flagrant délit de sieste. Pire le dirigeant britannique a provoqué un scandale en se rendant en jet privé à une soirée dans un club exclusivement masculin en compagnie de climato-sceptiques notoires. 

À l’inverse de Paris en 2015, le leadership climatique semble donc du côté de ceux qui, à l’extérieur de la COP, réclament à cor et à cri des actions concrètes. L’image du ministre des îles Tuvalu s’adressant aux négociateurs avec de l’eau au-dessus du genou restera l’une des plus fortes. Il voulait ainsi rappeler aux dirigeants mondiaux qu’ils n’ont pas tenu leurs promesses des 100 milliards de dollars par an pour financer l’adaptation des pays les plus vulnérables déjà en partie submergés.

Le leadership climatique pourrait aussi être du côté de l’Union Européenne qui négocie pour les États membres. Plus qu’en 2015, elle est partie avec son Pacte Vert des messages forts exprimés par de jeunes européens : "Il est temps d’agir et de faire des transformations profondes". Mais le Pacte Vert pourrait être compromis si les États membres continuent à privilégier leurs agendas nationaux et à torpiller ce leadership climatique qui pourrait pourtant permettre à l’Europe de prendre un temps d’avance sur les États Unis et la Chine.

Anne-Catherine Husson-Traore,  @AC_HT, Directrice générale de Novethic


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