Publié le 23 juillet 2019
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Teleperformance, le géant français de la relation clients, mis en demeure sur son devoir de vigilance
Après Total, c’est au tour de Teleperformance d’être mis en demeure pour non respect de la loi sur le devoir de vigilance. L’ONG Sherpa et la fédération syndicale internationale UNI Global Union accusent le leader mondial des centres d’appels de passer sous silence les risques liés aux droits humains dans ses filiales à l’étranger.

@capture d'écran / Vidéo de présentation Viméo
Deux ans après l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance, à la suite de l’effondrement du Rana Plaza, les ONG n’hésitent pas à dégainer la menace d’actions en justice. Après Total, mis en demeure à deux reprises ces dernières semaines, c’est au tour de Teleperformance d’être visé. Le leader mondial des centres d’appels, premier employeur français dans le monde avec 300 000 salariés répartis dans 80 pays, "n'a fait aucun effort sérieux pour cartographier et atténuer les risques de violation des libertés fondamentales et des droits humains dans toutes ses activités, comme l’exige la loi française" accusent Sherpa et la fédération syndicale internationale UNI Global Union. Les organisations laissent trois mois à l’entreprise pour se mettre en conformité avant de saisir le tribunal de grande instance de Paris.
Des marchés à risque
"Teleperformance a décidé de mener ses activités dans des pays souvent peu respectueux des droits humains. Dans ce contexte, il lui revient d’adopter un plan crédible et holistique, pour empêcher que ces risques ne deviennent réalité" a martelé Christy Hoffman, secrétaire générale d’UNI Global Union lors de la mise en demeure de Teleperformance communiquée à la presse le 18 juillet. Selon la Confédération syndicale internationale (CSI), quatre des plus grands marchés du travail de Teleperformance (Inde, Philippines, Mexique et Colombie), représentant la moitié de l’effectif, font partie des pires pays au monde quant aux violations des droits des travailleurs.
Or ces risques ne sont pas suffisamment pris en compte dans le plan de vigilance du groupe, selon UNI. Le syndicat recense "une cartographie insuffisante des risques, l’absence de mesures concrètes pour garantir les droits humains, aucune consultation avec les parties prenantes, et aucune consultation avec les syndicats français sur le mécanisme d’alerte".
Dans un rapport (1), sur les conditions de travail en Colombie, un pays qui dessert le marché espagnol et des groupes comme Vodafone, Uni Global Union fait état de témoignages sur les conditions de travail. "Nous n’avons pas le droit de tomber malades ni d’aller à une réunion scolaire pour nos enfants parce que cela a une incidence sur notre revenu", témoigne un travailleur. Des femmes racontent aussi avoir subi de force un test de grossesse à l’embauche. D’autres travailleurs expliquent que les heures où ils ne peuvent pas travailler en raison de pannes informatiques sont décomptées de leurs salaires ou encore que les formations obligatoires ne sont pas payées…
Dispositif d’alerte en cours de déploiement
De son côté, le groupe, qui collabore avec des grandes marques comme Apple, Google ou Orange, assure "travailler au quotidien à l’amélioration continue des conditions de travail et du bien-être de ses collaborateurs". Il fait d'ailleurs partie du palmarès Best Workplace for Women au Brésil ou encore au Salvador, plaide-t-il. "Le plan de vigilance (2) du groupe a été rendu public en décembre 2018, en conformité avec la réglementation. Teleperformance travaille quotidiennement en étroite collaboration avec l’ensemble de ses parties prenantes internes et externes afin de publier un plan de vigilance enrichi et détaillé en septembre prochain", nous fait savoir un porte-parole pour répondre à nos demandes de précisions.
Dans son plan de vigilance, Teleperformance indique par ailleurs qu’"un dispositif d’alerte et de recueil des signalements est en cours de déploiement". "Ce dispositif est similaire à celui d’alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements relatifs à l’existence de conduite ou de situations contraires au Code de conduite en matière de lutte contre la corruption et de trafic d’influence".
En France, où les effectifs ont été rabotés, des conseillers clientèle dénoncent régulièrement les conditions de travail. Des grèves ont été organisées depuis le début de l’année à Belfort. En 2016, elle avait défrayé la chronique en imposant à certains de ses téléconseillers de demander par mail l’autorisation de prendre une pause pipi. Obligation rapidement retirée.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Lire le rapport d'Uni Global Union.
(2) Voir le plan de vigilance de Téléperformance.