Publié le 12 février 2018
ENVIRONNEMENT
Pour ou contre le projet Montagne d’or en Guyane ? Cinq éléments à connaître pour se décider
C'est peut-être la prochaine ZAD, Zone à défendre. Encore discret par rapport à Notre-Dame-des-Landes, le projet de mine d'or en Guyane baptisé "Montagne d'Or", soutenu par Emmanuel Macron, pourrait bien faire la Une des gros titres dans les semaines à venir alors qu'un débat va s'ouvrir. D'un côté, les opposants énumèrent les impacts environnementaux potentiels et parlent de mirage économique. De l'autre, les promoteurs mettent en avant la création de 3 750 emplois directs et indirects dans une région sinistrée par le chômage. Le dossier résumé ici en cinq points.

@Compagnie minière Montagne d'Or
1) Une mine d’or géante à ciel ouvert
Le projet est porté par la Compagnie minière Montagne d’or, un consortium russo-canadien (Nordgold et Colombus Gold). La concession minière s’étend sur une surface de 15,24 km2 et se situe dans la forêt amazonienne, en bordure d’une réserve biologique. La fosse sera grande comme 32 Stades de France et on pourrait y introduire l’équivalent de la Tour Eiffel. Il s’agirait du plus gros projet aurifère de France. Les retombées financières sont estimées à 3 milliards d’euros.
Les travaux d’exploration ont débuté dès 1994 et ont permis d’estimer que le gisement exploitable est de 85 tonnes d’or. Le début de la production est prévu pour 2022, et l’exploitation se fera pendant 12 ans. L’entreprise prévoit ensuite une remise en état du site et un suivi pendant 30 ans. L’étude de faisabilité économique et technique a été réalisée. Reste désormais à obtenir les autorisations pour attaquer la construction.
2) 750 emplois directs à la clé
Le principal atout du projet est la création d’un important gisement d’emplois. 750 postes directs vont être créés, majoritairement d’un niveau CAP. Et 3 000 emplois indirects et induits sont espérés dans une région où le taux de chômage moyen est de 22 %. La Compagnie minière a développé un programme de formation locale aux métiers de la mine et prévoit ainsi de former 100 personnes par an. Cela permettrait d’ouvrir la voie à une filière industrielle en Guyane alors que le potentiel en or primaire y est quasiment intact.
Dans une récente étude (1), le WWF estime cependant que ce projet constitue un "mirage économique". "À elle seule la filière du tourisme permettrait de créer six fois plus d’emplois directs que le projet Montagne d’or avec quatre fois moins de subventions publiques !", analyse Pascal Canfin, directeur général du WWF France. L’ONG a calculé que chaque emploi direct coûterait ainsi 560 000 euros d’argent public.
3) Un impact environnemental décrié
Les opposants à la mine soulèvent pointent également du doigt l’impact environnemental du projet. La mine consommera en 2022, 8,5 % de la consommation électrique totale de la Guyane, ou encore 100 % de la consommation annuelle de Cayenne. Selon le collectif "Or de question" qui regroupe une centaine d’organisations, 400 millions de mètres cubes de déchets miniers seront créés chaque année et 142 millions de litres de fuel utilisés. De quoi faire grimper les émissions de CO2 de la Guyane de 60 %.
Ils mettent également en avant les risques de pollution au cyanure et autres produits toxiques. "25 ruptures de digues accidentelles ont eu lieu depuis 2000 dans le monde, explique Or de question. En 2015, le 'Fukushima brésilien' a ravagé 800 km de rives du fleuve Rio Docé. Au Suriname (Rosebel) et Guyana (Omaï), des pollutions de ce type ont aussi dévasté des rivières."
De son côté, la Compagnie minière assure que 55 % de la surface concernée est constituée d’habitats dégradés, à faible potentiel écologique. Elle indique par ailleurs sur son site que "le projet se conforme rigoureusement et en toute transparence à toutes les normes environnementales françaises et européennes et utilise les meilleures pratiques actuelles dans le domaine de l’industrie minière."
4) Un frein à l’orpaillage illégal
Actuellement, l’orpaillage légal en Guyane emploie près de 500 personnes pour une extraction de 1 à 2 tonnes par an alors que la production illégale avoisinerait les 10 tonnes d’or par an pour 15 000 travailleurs clandestins, d’après WWF. En août dernier, le parc amazonien de Guyane dénombrait 177 sites clandestins dans son périmètre, un nombre jamais atteint en dix ans d’existence. Selon les promoteurs de la Montagne d’or, la construction de la mine permettrait de mettre fin à l’orpaillage illégal et réduirait ainsi les impacts environnementaux liés à cette pratique.
5) De l'or pour la joaillerie principalement
Selon les données du World Gold Council pour l’année 2015, 57 % de la demande mondiale en or émane de la joaillerie, 21 % des investisseurs (lingots, pièces, médailles), 14 % des banques centrales et autres institutions (FMI, BCE) et seulement 8 % de l’industrie, principalement pour les produits électroniques. Fort de ces chiffres, Philippe Bihouix, ingénieur spécialiste des métaux et auteur de "L’âge des low tech", juge que cet or ne va servir "absolument à rien ou presque". "La majorité de l’or sert aujourd’hui à la fabrication de bijoux et au stockage de lingots. Il y a plus d’or chez les particuliers et dans les banques qu'il ne reste de réserves dans les sous-sol de la planète."
Concepcion Alvarez @conce1