Publié le 29 juillet 2020
ENVIRONNEMENT
[Tour du monde de l’adaptation] Les Philippines, laboratoire de résilience face aux catastrophes climatiques
Cet été, Novethic vous propose un tour du monde un peu particulier afin d’aller voir comment certaines régions s’organisent pour faire face aux premiers impacts du changement climatique. C’est ce qu’on appelle l’adaptation, dans le jargon diplomatique onusien. Un sujet bien trop longtemps négligé mais incontournable face à la montée de risques nouveaux. Aujourd’hui, nous nous envolons pour les Philippines. Dans cet archipel régulièrement frappé par des typhons, le plan d'adaptation mis en place repense toute la gestion des écosystèmes locaux.

AC Dimatatac/ICSC
Le 8 novembre 2013, la ville de Guiuan, située sur l’île de Samar, est dévastée par l’œil du super-typhon Haiyan et ses vents à 230 km/h. Alors que 70 % la population vit dans des habitats précaires près des côtes, les dégâts humains et matériels sont considérables. Dans les champs, des milliers de cocotiers, principale ressource des habitants de la région avec la pêche, sont à terre. À peine six ans plus tard, à la veille de Noël, le typhon Phanfone a ravivé le traumatisme de 2013 en suivant une trajectoire similaire. Avec le changement climatique, la fréquence des typhons de plus forte puissance pourrait s’accroître dans les prochaines décennies alors que le pays compte déjà parmi les plus touchés par les événements extrêmes.
Pour y faire face, les Philippines ont élaboré un plan d'adaptation qui vise à la fois à "atteindre une sécurité alimentaire par une gestion rationnelle des écosystèmes" et à "sécuriser les ressources en eau en améliorant la gestion des systèmes d’approvisionnement" selon Climate Chance (1). Agro-foresterie, protection des zones humides, création de nouveaux codes de l’environnement, contrôle de l’érosion côtière, désalinisation, récupération des eaux de pluies, suivi des pêches locales, relocalisation des habitations côtières : il s’agit de lutter contre des décennies de mauvaises pratiques tout en prenant à bras-le-corps la question du changement climatique.
Résilients par la force des choses
"Nous pouvons subir jusqu’à une vingtaine de typhons par an, alors, face à ces désastres à répétitions, nous n'avons pas eu d'autre choix que d'apprendre à être résilients", témoigne Kairos Dela Cruz, de l’Institut pour le climat et les villes durables (ICSC). "Avant, à la suite du passage d'un typhon, nous reconstruisions nos routes à l’identique. Désormais, nous imaginons des infrastructures plus durables, qui nécessitent davantage d’investissements mais qui résisteront aux prochaines catastrophes. En outre, la population est de plus en plus sensible au changement climatique. Elle ne demande qu’à agir mais il nous manque les moyens financiers et les solutions technologiques", ajoute-t-il.
Les Philippines sont particulièrement engagées dans la lutte contre le changement climatique. En 2015, le pays avait signé avec la France "l’appel de Manille" afin de parvenir à faire adopter l’Accord de Paris. Cette déclaration visait à dépasser les clivages Nord-Sud, qui pèsent sur les négociations internationales, en défendant le principe de "responsabilités communes mais différenciées". Plus récemment, la Commission philippine des droits humains a statué sur le fait que les entreprises exploitant les énergies fossiles peuvent être considérées comme légalement responsables des atteintes aux droits humains liées au changement climatique, créant un précédent juridique majeur et ouvrant la voie à des actions en justice.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Cette série est réalisée en collaboration avec Climate Chance qui a publié, en 2019, un cahier spécial sur le bilan des actions d'adaptation à travers le monde d'où sont tirés les exemples développés.