Publié le 22 août 2020
ENVIRONNEMENT
[Science] La calotte glaciaire du Groenland fond de manière irréversible... sauf si l'on agit vite
Au Groenland, la fonte de la calotte glaciaire est irrémédiable, selon une étude publiée dans Nature. Et ce, "même si le réchauffement climatique s'arrêtait aujourd'hui". Les chutes de neige ne suffisent plus à compenser la fonte des glaces. Et celle-ci alimente autant l’élévation du niveau des mers que le changement climatique lui-même. Mais pour certains scientifiques, il ne s'agit pas de céder au fatalisme, au contraire : l'étude doit nous amener à agir.

@Oleksandr Umanskyi
Les rapports alarmants sur la fonte des glaces à travers le gigantesque territoire arctique, une région qui se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète, se multiplient depuis plusieurs années. Mais une nouvelle étude montre que nous avons franchi un pas : "un point de non-retour".
Les chercheurs de l'Université d'Ohio State ont observé l’évolution de plus de 200 glaciers du Groenland ces quarante dernières années, grâce à l’étude de données satellitaires. Et leur résultat est sans appel : les "chutes de neige qui reconstituent la calotte glaciaire du Groenland chaque année ne peuvent plus contrebalancer la glace qui s'écoule des glaciers vers l'océan", souligne l'étude publiée par la revue Nature Communications Earth and Environment, le 13 août.
Des dizaines de millions de personnes menacées
En cause : le changement climatique qui pèse lourd sur les glaciers. Dans les années 1980 et 90, la calotte glaciaire perdait environ 450 gigatonnes (environ 450 milliards de tonnes) de glace par an mais celle-ci était remplacée par les chutes de neige, ont relevé les scientifiques après l'analyse de quelque 40 ans de données. A partir des années 2000 en revanche, la fonte s'est accélérée, grimpant à 500 gigatonnes mais n'a pas été compensée par les chutes de neige.
"La calotte glaciaire du Groenland perd de sa masse à un rythme accéléré au XXIe siècle, ce qui en fait le plus important contributeur à l'élévation du niveau de la mer", souligne l'étude. Les conséquences de la fonte de cette glace qui recouvre près de 85 % de l'île grande comme quatre fois la France (2 millions de km2) sont dramatiques. D'après une étude récente de l'Université britannique de Lincoln, celle-ci devrait ainsi alimenter l'augmentation du niveau des mers de l'ordre de 10 à 12 cm d'ici 2100, contribuant à engloutir des pans entiers du littoral mondial, où se concentrent de grandes métropoles, ce qui menacerait des dizaines de millions de personnes. De plus, la fonte de la calotte glaciaire n'est pas seulement un symptôme du changement climatique, elle est aussi elle-même un facteur de réchauffement de la planète.
Une étude pour mobiliser
Le recul de la calotte glaciaire du Groenland ne pourrait ainsi être que le premier d'une série de points de basculement. Si le changement climatique se poursuit à ce rythme, le taux de fonte sera bien pire, selon l’un des auteurs de l’étude, Ian Howat, cité par CNN. Mais le pire n’est cependant pas certain. Des membres de la communauté scientifique estiment prématuré de parler d'un point de non-retour. D'abord, "nous ne savons pas de combien les concentrations en gaz à effet de serre vont augmenter", a expliqué à l'AFP Ruth Mottram, climatologue de l'Institut danois de météorologie (DMI), spécialiste de l'Arctique.
Pour Jean-Pascal van Ypersele, professeur de climatologie à l'UC Louvain et ancien vice-président du GIEC, cette étude doit aussi être un nouveau signal pour mobiliser citoyens, politiques et acteurs économiques. Comme il l'explique à la radio belge RTBF "Ce que l'étude montre, c'est qu'il faut absolument respecter l'accord de Paris et baisser nos émissions de gaz à effet de serre de façon à éviter que le Groenland ne fonde, certes, mais également l'Antarctique, dont la situation n'est pas meilleure et qui contient 10 fois plus de glace".
Pourquoi la fonte de la calotte glaciaire du Groenland n'a pas atteint un "point de non-retour", comme on l'a beaucoup lu. Un fil très intéressant qui montre comment on a extrapolé les résultats de l'article original pour en tirer des prédictions catastrophistes. 1/ https://t.co/6jXbPMZsn9
— François Gemenne (@Gemenne) August 19, 2020
Béatrice Héraud avec AFP