Publié le 22 mars 2019
ENVIRONNEMENT
Pour tenir les objectifs climatiques de la France, la taxe carbone doit augmenter, selon le conseil économique du Premier ministre
Pour l’organisme de conseil économique du Premier ministre, il est nécessaire d’augmenter la taxe carbone, d’élargir son assiette, de redistribuer l’intégralité des recettes et de mettre en place des dispositifs d'aides pour les plus vulnérables. Des propositions qui interviennent alors que les manifestations des Gilets jaunes, qui ont originellement rejeté cette fiscalité, se font plus virulentes.

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C’est au lendemain de l'acte 18 des Gilets jaunes marqué par les incendies du Fouquet’s et d’une banque et à la veille d’un acte 19 qui s’annonce extrêmement tendu avec l'emploi par le gouvernement des militaires, que la taxe carbone au cœur de cette crise refait jour. Son augmentation, qui avait poussé des Français dans la rue, a été suspendue par le gouvernement. Mais beaucoup appellent à ne pas abandonner cet outil efficace pour lutter contre les émissions.
C’est le cas du Conseil d'analyse économique (CAE), un organe dépendant du Premier ministre. Il a livré ses recommandations pour construire une fiscalité environnementale "juste et efficace". "Sans taxe carbone nous n'atteindrons pas nos objectifs de réduction d'émissions de CO2 d'ici 2030. L'efficacité requiert que le signal-prix soit sauvegardé et la justice requiert que le partage des coûts des mesures environnementales soit équitable", résument d’entrée les auteurs dans leur rapport "Pour le climat : une taxe juste, pas juste une taxe".
Constatant le sentiment de "défiance fiscale" dans le pays, ceux-ci proposent en premier lieu de "redistribuer l'intégralité des nouvelles recettes de la taxe carbone supportée par les ménages". "En accompagnement, mettre en place des dispositifs d'aide à la conversion des équipements les plus polluants, ciblés sur les ménages les plus vulnérables", ajoutent-ils.
Protéger les plus vulnérables
Les économistes assurent néanmoins qu'il faut "poursuivre la hausse de la contribution climat-énergie (CCE)", c'est-à-dire la taxe carbone, tout en "élargissant l'assiette de la taxe pour que les ménages ne soient pas les seuls à faire des efforts". Ils recommandent "d’appliquer uniformément la taxe au niveau de la sortie des raffineries, sans exemption ni dispositif de remboursement".
Basé sur le modèle de ce qui se fait en Suisse, les économistes proposent aussi "d'introduire un mécanisme de gel (annuel, NDRL) de l'évolution des prix en cas de dépassement des objectifs de réduction d'émissions". Cela devrait s’accompagner d'une "large communication" auprès du grand public pour "construire le projet collectif". De plus, selon l’évolution des prix du pétrole, ils proposent de "moduler temporairement la trajectoire de relèvement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)".
Besoin d’un consensus large
Malgré ces conseils, la secrétaire d'État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon assure qu'une reprise de l'augmentation de la taxe carbone "ne reviendra pas en catimini", mais seulement s'il y a "un consensus très large". Or celui-ci"n'est pas là" aujourd'hui, assure la membre du gouvernement. "On a entendu le message des Gilets jaunes (...) On a stoppé l'augmentation de la taxe carbone et on a dit clairement qu'elle ne reviendrait pas à court terme", insiste-t-elle sur Public Sénat.
De son côté, l’ancienne ministre de l’Environnement Ségolène Royal, fidèle à son modèle d’économie non punitive, rejette ces propositions du Conseil d'analyse économique. Sur RTL, elle parle "d’une très mauvaise idée". "Je pense que l'écologie ne doit pas être synonyme d'impôts supplémentaires, sinon les citoyens vont se détourner de l'écologie", a tranché l'ambassadrice pour les pôles Arctique et Antarctique.
Elle ajoute : "Il faut arrêter cette hystérie fiscale (…) Pour lutter contre le réchauffement climatique il faut utiliser moins de pétrole, donc si vous taxez les gens qui n'ont pas les moyens de s'acheter des voitures propres (à hydrogène, au biocarburant...), vous les prenez une nouvelle fois en otages".
Ludovic Dupin, @LudovicDupin