Publié le 14 novembre 2022
ENVIRONNEMENT
Le patrimoine financier des milliardaires fait exploser les émissions de gaz à effet de serre
Le mode de vie des plus riches est de plus en plus décrié pour son impact environnemental. Mais c’est leur patrimoine financier auquel s’est cette fois intéressé Oxfam. Dans un nouveau rapport, l’ONG met en lumière l’empreinte carbone liée aux investissements de 125 des milliardaires les plus riches du monde. S’ils aggravent aujourd’hui la crise climatique, ils pourraient jouer un rôle important dans la transition écologique en réorientant leurs actifs vers des activités décarbonées.

DR/Dall-E
Si une attention grandissante est portée sur le mode de vie des plus riches, comme a pu l’illustrer la polémique autour des vols en jets privés cet été, la question de leur patrimoine financier reste souvent obscure. Et pourtant, ce dernier constitue une part importante de leur empreinte carbone. C’est tout le sujet d’une étude publiée le 7 novembre dernier par Oxfam, à l’occasion du lancement de la COP27 en Égypte. Après avoir passé à la loupe les actifs financiers des milliardaires français en février dernier, l’ONG a analysé et quantifié les émissions carbone liées au portefeuille d’investissement de 125 des milliardaires les plus riches du monde. Et ses conclusions donnent le tournis.
"Les émissions liées au mode de vie ostentatoire des milliardaires sont socialement inacceptables, mais ce n’est que la face visible de l’iceberg. Lorsqu’on s’intéresse à l’impact de leur patrimoine financier, alors on change de dimension : leurs émissions sont un million de fois plus élevé qu’un individu moyen", affirme dans un communiqué Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer acteurs privés et climat chez Oxfam France et co-auteur du rapport. En effet, avec 2400 milliards de dollars d'investissements cumulés, les 125 milliardaires de l’échantillon émettent chacun plus de 3 millions de tonnes de CO2 par an. Un chiffre vertigineux comparé aux 2,76 tonnes de CO2 émises en moyenne chaque année par 90% des personnes les plus pauvres dans le monde.
Réorienter les investissements carbonés
Le secteur et les activités des entreprises dans lesquelles investissent les plus riches est déterminant dans le poids de leur empreinte carbone. Oxfam révèle ainsi que les milliardaires détiendraient en moyenne 14% de leurs actifs dans des industries polluantes, comme les énergies fossiles. A contrario, une seule personne de l’échantillon étudié disposerait d’investissements dans une entreprise produisant des énergies renouvelables, souligne l’ONG.
En redirigeant leurs participations vers des entreprises impliquées dans la transition écologique, les plus riches ont donc le pouvoir de réduire les émissions de gaz à effet de serre à une large échelle. Selon le rapport d’Oxfam, en investissant dans un fonds aux normes environnementales et sociales plus strictes, les 125 milliardaires pourraient diviser par quatre leurs émissions. Certains s’y engagent déjà, à l’instar de Bill Gates qui, au travers du fonds Breakthrough Energy Ventures, investit en Europe pour développer des technologies de rupture dans des secteurs très émetteurs comme la production d’électricité, les transports ou la construction.
Oxfam appelle également les gouvernements à mettre en place une "fiscalité sur les richesses et les investissements dans les industries polluantes" et instaurer des politiques tenant compte des inégalités climatiques. "Pour garantir une transition écologique socialement juste, le changement de logiciel est simple : le poids de la transition écologique doit être transféré des consommateurs les plus précaires, qui polluent le moins, aux producteurs les plus riches, qui polluent le plus et ont les moyens de transformer ces outils de production", précise Alexandre Poidatz. Pour l’ONG, la création d’un ISF climatique pourrait permettre de financer des mécanismes répondant à l’urgence climatique, comme les pertes et dommages, question centrale de la COP 27 qui se tient actuellement.
Florine Morestin