Publié le 07 juin 2022
ENVIRONNEMENT
Fit for 55 : Un vote historique au Parlement européen sur le paquet climat
Les députés européens, réunis en session plénière à Strasbourg, sont face à un vote historique, qui se tiendra mercredi 8 juin. Ils vont se positionner sur huit textes majeurs du paquet climat "Fit for 55" qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne de 55 % d’ici 2030. Au cœur des discussions, figurent la réforme du marché carbone et l’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ainsi que la fin de la ventes de voitures thermiques neuves en 2035. La bataille s’annonce rude.

@CCO / David Iliff
"C’est un vote historique pour le climat", veut croire Pascal Canfin, eurodéputé Renew au Parlement européen. Réunis en session plénière à Strasbourg, les députés européens vont devoir se prononcer mercredi 8 juin sur huit des quatorze directives du paquet climat "Fit for 55", qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne de 55 % d’ici 2030 dans le cadre du Green Deal, le Pacte vert européen. La crédibilité de l’Union européenne sur le front de la lutte contre le changement climatique est en jeu, ce vote constituant un premier crash-test.
"C’est la première fois que le Parlement européen va se prononcer sur des textes très précis. C’est le moment de voir si la promesse du Green Deal est respectée. Ça s’annonce très serré", estime Neil Makaroff, responsable Europe pour le Réseau action climat France. Deux majorités s'oppose, l'une composée du PPE et des conservateurs, l'autre de la gauche et des Verts. Renew et les sociaux-démocrates se partageant entre les deux. "Ces deux derniers groupes seront donc les faiseurs de rois", analyse Neil Makaroff.
Une première extension du marché carbone
Au menu des discussions, il y a notamment l’épineuse question du marché carbone européen, l’ETS, qui doit être réformé et élargi, mais aussi l’instauration d’un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Deux sujets majeurs, qualifiés par Pascal Canfin de "navire amiral de la réglementation climatique européenne". Le président de la commission environnement (Envi), qui promet "de durcir le jeu pour les industriels", bataille en coulisses depuis des semaines pour obtenir des compromis au Parlement européen, mais le niveau de l’ambition qui sera retenue est loin d’être garanti.
L’une des questions qui va être discutée concerne l’élargissement du marché carbone aux secteurs du transport routier et du chauffage, jusqu’alors exemptés. Mais dans le contexte de hausse de l’inflation et de crise énergétique, c’est d’abord les bâtiments commerciaux et les poids lourds qui seraient visés dès 2025, avec une clause de revoyure en 2026. "La Commission analysera alors si l’intégration des transports et bâtiments des particuliers est toujours pertinente, et en fonction elle refera une proposition législative pour une entrée en vigueur en 2029", précise Pascal Canfin.
Une entrée au vigueur du MACF en 2032 au plus tôt
Les eurodéputés vont aussi se prononcer sur le nombre de quotas carbone en circulation. S’ils sont trop nombreux, cela réduit de facto le niveau d’ambition. Un amendement de compromis, porté par Renew et le PPE, conduirait à une baisse des émissions des secteurs couverts par l’ETS de 62 % à l’horizon 2030. C’est quatre points de moins par rapport à la position arrêtée en commission Envi. Reste enfin la question de la suppression des quotas gratuits, actuellement accordés à certains industriels (de l’acier, du ciment et du raffinage en particulier). Si un accord semble acquis pour que les quotas gratuits soient entièrement supprimés dans l’aviation (80 % de quotas gratuits) en 2025, un compromis est plus difficile à trouver sur une échéance au niveau global.
La date de 2030 – cinq ans plus tôt que celle proposée par la Commission européenne – a été adoptée en commission Envi à une courte majorité là encore. Mais un nouvel amendement évoque désormais 2032. De quoi rassurer l'industrie européenne montée au créneau, mais pas les défenseurs de l’environnement. Le sujet est essentiel car de la fin des quotas gratuits dépendra l’entrée en vigueur effective du MACF. Ce mécanisme a pour but d’imposer un prix carbone aux importations similaires à celui payé par les entreprises installées sur le sol européen. Il est donc indispensable que celles-ci ne bénéficient plus d’allocations gratuites.
"Attendre 2032 pour que les industriels payent pour leurs émissions de gaz à effet de serre apparaît beaucoup trop lointain pour atteindre nos objectifs climatiques d’autant que leurs émissions stagnent depuis 2010", dénonce Neil Makaroff. "Le risque est grand que ce vote ne se résume finalement à une occasion manquée", alerte-t-il. Au menu aussi, l’interdiction de la vente de véhicules thermiques (diesel ou essence) neufs d’ici à 2035 qui devrait se jouer à une dizaine de voix près et qui fait l'objet d'un intense lobbying.
Concepcion Alvarez @conce1