Publié le 07 juillet 2017
ENVIRONNEMENT
L’Accord de Paris : un premier pas vers un monde décarboné
L’Accord de Paris sur le climat adopté en 2015 lors de la COP21 est au centre des discussions internationales sur le climat. A ce jour, cet accord considéré comme "historique" a été ratifié par plus de 150 pays. Mais l’annonce du retrait des États-Unis début juin, ne doit pas briser la dynamique enclenchée dans le monde politique et économique. Car le temps presse.

Novethic
Pour voir la carte de l'Accord de Paris en grand, cliquez-ici.
- L’Accord de Paris, un accord historique
L’Accord de Paris est un accord international destiné à lutter contre le changement climatique et à tracer la voie d’une économie bas carbone. Il a été adopté par 195 États le 12 décembre 2015, lors de la COP21 qui s’est déroulée à Paris.
L’Accord demande à tous les pays du monde, à leur échelle, de contribuer à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour limiter la hausse de la température globale bien en dessous de 2°C, et si possible de 1,5 °C, d’ici la fin du siècle.
Il organise aussi des principes de solidarité, notamment en matière de financement, pour aider les pays les plus pauvres à réduire leurs émissions mais aussi à s’adapter aux conséquences du changement climatique auquel ils sont souvent très vulnérables.
L’accord a été ratifié en un temps record et est officiellement entré en application le 4 novembre 2016. Mais ses engagements portent sur la période post-2020.
De nombreux participants et observateurs ont parlé d’un accord "historique". Ce qui peut justifier un tel qualificatif, c’est surtout le fait qu’il s’agisse du premier accord universel sur le climat, engageant tous les États-Parties et non seulement les pays développés comme le Protocole de Kyoto.
- Une dynamique multi-acteurs
L’adoption de l’Accord de Paris a largement contribué à relancer la lutte contre le changement climatique au niveau international.
Cela est notamment dû à une mobilisation générale et mondiale, de la part des États (les seuls habilités à négocier et à ratifier l’accord) mais aussi des collectivités locales, des ONG et des acteurs économiques et financiers (voir notre diaporama sur les liens entre la finance et le climat). Ce mouvement est sans précédent.
Depuis l’Accord de Paris, les acteurs économiques et financiers sont de plus en plus nombreux à s’engager à prendre des mesures de réductions de leurs émissions de gaz à effet de serre et à tenir compte des objectifs de l’Accord de Paris dans leur stratégie. Ils sont de plus en plus nombreux également à demander des réglementations plus strictes en matière environnementales et à fixer un prix pour le carbone.
Une dynamique indispensable à l’atteinte des objectifs de limitation du réchauffement climatique. Et qui doit encore se renforcer dans l’ampleur du défi est importante.
- Le tournant du retrait américain
L’engagement des différents acteurs s’est paradoxalement renforcé à la suite de la décision des États-Unis de se retirer de l’Accord de Paris (un retrait dont les modalités et la date restent à préciser).
"Depuis la décision du gouvernement des États-Unis d'abandonner les accords de Paris, nous assistons à un sursaut à l'échelle mondiale et à une réaffirmation par tous les autres gouvernements de leur engagement pour le climat. C'est évident pour l'Union européenne, la Chine et l'Inde, des pays essentiels à la réussite de l’accord ", a ainsi déclaré le 4 juillet 2017, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gutierrez.
Des initiatives mêlant organisations publiques et privées ont aussi vu le jour pour continuer la dynamique lancée lors de la COP21. C’est notamment le cas de l’initiative "We are Still In" qui rassemble des poids lourds de l’économie comme Google, Tesla, Allianz, Amazon, Danone, Nike ou Microsoft. Leur message est que le retrait diplomatique des États-Unis ne change pas la détermination des acteurs économiques.
Et au-delà de l’Accord de Paris lui-même, de nombreuses entreprises et investisseurs - parmi les plus grands comme Black Rock - expliquent aussi que leur intérêt est bien de prendre en compte les risques générés par le changement climatique et d’opérer le virage vers une économie bas carbone.
Mais la décision de Donald Trump n’est pas exempte de conséquences. Il est par exemple difficile pour des instances internationales comme le G20 de s’accorder sur des mesures destinées à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris (en matière de transports, d’infrastructures ou de finance). Or, cette instance a un rôle central dans la mise en œuvre de l’accord : les pays du G20 -dont la Chine et l'Inde- représentant 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et 80 % des richesses produites.
Et comme l'expliquent les économistes Michel Aglietta, Etienne Espagne et Baptiste Perrissin Fabert expliquent dans une tribune parue fin juin 2017, "l’impulsion politique est indispensable" pour fixer un cadre réglementaire destiné à réduire les risques systémiques liés au changement climatique. Mais aussi pour inciter les marchés financiers à prendre en compte le risque climatique et pour déclencher les investissements nécessaires à la transition vers une économie bas carbone.
- L’urgence d’agir
L’horizon de 2020, date à laquelle les engagements des pays signataires de l’Accord de Paris doivent se matérialiser, est un "point de non-retour pour le climat", explique le climatologue Stefan Rahmstorf, du Potsdam Institute, cosignataire d’un appel de scientifiques publié dans la très sérieuse revue Nature en amont du G20 de juillet 2017. Si la courbe des émissions de gaz à effet de serre n’est pas inversée d’ici à trois ans, il sera pratiquement impossible de tenir les objectifs de l’Accord de Paris."
Au rythme actuel, avec les 40 gigatonnes de CO2 rejetés chaque année par l'humanité, le seuil des 1,5 °C sera franchi dès 2020 si des mesures ne sont pas prises.
Si les émissions de gaz à effet de serre baissent franchement d’ici 2020, la planète disposera de 20 à 30 ans pour s'adapter. Si l’on attend 2025, il ne restera plus que 10 ans maximum pour tenir les objectifs de l'Accord de Paris et transformer l'économie vers un modèle bas carbone. Une mission quasi-impossible.
Attendre encore dix ans pour agir de façon drastique sur les émissions de gaz à effet de serre ne nous laisserait que très peu de marge de manoeuvre pour adapter les modes de vie de la planète et atteindre l'objectif de 2° d'ici la fin du siècle.
Béatrice Héraud @beatriceheraud