Publié le 06 décembre 2019
ENVIRONNEMENT
[Génération climat] Précarité étudiante et urgence climatique : les jeunes veulent changer de modèle
Alors que 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, l'immolation du jeune Anas K., 22 ans, devant le Crous de son université, pour dénoncer sa précarité financière, a marqué les esprits. Et relancé la question d'une transition juste. Plusieurs étudiants mobilisés dans des collectifs ou marches pour le climat appellent à repenser l'urgence climatique au prisme de la précarité étudiante. C'est le onzième épisode de notre série dédiée à la mobilisation des jeunes pour le climat.

@CA
"Ce n’est pas seulement le climat qu’on veut changer, c’est le modèle dans lequel on vit". Cette phrase, prononcée par Stéphanie, étudiante à Paris en sociologie, reflète le sentiment d’une jeunesse en colère. Une jeunesse qui, à travers le monde, défile dans les rues pour crier l’urgence climatique. Mais pas seulement. Le 8 novembre, un étudiant de 22 ans s’est immolé par le feu devant le Crous de sa faculté à Lyon pour dénoncer la précarité étudiante. Ce dramatique événement a provoqué des manifestations pour dénoncer les conditions difficiles dans lesquelles les jeunes étudient.
Certains, comme Stéphanie, y voient une convergence des luttes. "Le slogan 'Fin du mois, fin du monde même combat' illustre parfaitement le problème. On a hérité d’un modèle inégalitaire et polluant dont on ne veut pas", dénonce l’étudiante de 19 ans. Les liens entre précarité étudiante et réchauffement climatique ne sont parfois pas évidents mais ils existent bien, défend Mathis Albano, membre du collectif Pour un réveil écologique.
L’isolation des bâtiments, un poids de plus pour les étudiants ?
"Le plus important concerne l’isolation des bâtiments", explique-t-il. "Le logement est la première source de dépense chez un étudiant. On sait que l’isolation permettrait de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre mais cela va coûter plus cher. Comment cela va se répercuter sur les loyers ? Y aura-t-il une réévaluation des bourses par rapport à l’augmentation des loyers ? Est-ce qu’on va augmenter la précarité étudiante avec un critère environnemental ? Ce sont des questions qu’il faut se poser".
Déjà lors des manifestations des Gilets jaunes, un rapprochement avec les citoyens des Marches pour le climat s’était formé. Priscilla Ludovsky, une des figures fondatrices du mouvement des Gilets jaunes, avait notamment appelé à manifester pour la Marche du siècle dont la pétition rattachée, l’Affaire du siècle, avait créé un sursaut citoyen avec plus de deux millions de signataires, soit la plus populaire de l’histoire.
Une vision inclusive de la lutte contre le réchauffement climatique
"Si on ne fait rien pour le climat, dans quelques années, ce sera une catastrophe pour tout le monde", admet Julie, étudiante en master 2 à Science Po. "Mais on ne peut pas dire aux personnes qui font leur maximum pour survivre aujourd’hui qu’on s’occupera d’elles plus tard parce que là on se focalise sur les enjeux à moyen terme".
Face à la situation, le gouvernement a annoncé des mesures d'urgence. Pour la totalité des résidences du Crous, les loyers vont être gelés et ne seront donc pas réévalués en fonction de l'inflation. Une mesure nécessaire mais insuffisante, a jugé l'UNEF car elle "ne garantit par l'amélioration des conditions de vie mais seulement une non-augmentation des dépenses de logement".
Reste qu'entre la lutte contre le changement climatique et celle contre la précarité étudiante, des ponts existent, mais les enjeux diffèrent. "Dans notre mouvement, on va chercher à avoir une vision inclusive en proposant des solutions qui ne nuisent pas aux plus précaires", explique Mathis Albano du collectif Pour un réveil écologique. "Mais on sait que les solutions ne sont pas les mêmes", ajoute-t-il.
Marina Fabre, @fabre_marina