Publié le 14 avril 2014
ENVIRONNEMENT
Changement climatique : repenser notre modèle de développement
C’est une révolution, pas moins, de notre modèle de développement économique que nous devons effectuer dès maintenant pour éviter un emballement du changement climatique. C’est la teneur du message que livre le groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport.

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Limiter la hausse de la température mondiale à 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels ? C’est encore possible. Mais les gouvernements et les acteurs économiques doivent agir dès maintenant. Et il y a urgence. Car même en prenant des mesures drastiques, il n’existe seulement qu’un peu plus d’une chance sur deux de ne pas dépasser le seuil fatidique. C’est ce qu’explique le groupement intergouvernemental d’expert sur l’évolution du climat (GIEC) dans le troisième volet de son cinquième rapport général consacré à « l’atténuation du changement climatique ».
Pour se faire, il faudra réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40 à 70 % par rapport à 2010 d’ici 40 ans et les éliminer presque totalement d’ici la fin du siècle. Des mesures ambitieuses d‘atténuation pourraient même exiger une extraction directe du dioxyde de carbone de l’atmosphère, affirment les experts.
Découpler croissance économique et émissions de CO2
«Le principal objet de l’atténuation des changements climatiques est de dissocier les émissions de gaz à effet de serre de la croissance des économies et des populations ». Ces deux derniers facteurs étant la source majeure de l’augmentation des émissions, explique Youba Sokona, l’un des co-présidents du rapport.
Pour stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, il faudrait réduire les émissions dans les transports, les bâtiments, l’industrie, l’agriculture, mais aussi travailler sur le gaspillage, le recyclage, l’urbanisme et la reforestation, etc.
Le secteur de la production électrique doit être particulièrement mis à contribution. Il doit devenir efficace et décarboné. Or, le recours actuel accru au charbon a annihilé les effets du développement des énergies renouvelables. Les centrales au charbon doivent donc être remplacées par des centrales au gaz. Quant au nucléaire, il peut être une des solutions mais en prenant en compte les « contraintes et risques » associés, averti le GIEC. Même chose pour la capture et le stockage du CO2 (CCS) qui doit en plus bénéficier d’un prix du carbone suffisamment élevé pour devenir rentable.
Un impact limité sur la croissance
Autant dire que les investissements nécessaires à l’atténuation vont être importants, ne serait-ce que pour développer les technologies adaptées. Le secteur privé est d’ailleurs officiellement appelé à la rescousse pour contribuer à son financement. Mais plus on tardera à prendre les mesures nécessaires, plus le coût sera élevé. Par ailleurs, l’impact sur la croissance de la consommation va rester limité, même dans le cas d’un scénario ambitieux : au niveau mondial, cela réduirait cette croissance – estimée entre 1,6% et 3% par an d’ici 2100 dans le cas d’un statu quo- de 0,06% environ. Et le GIEC de préciser que « ces chiffres ne tiennent pas compte des avantages économiques d’une atténuation des changements climatiques ».
Les leviers à activer pour initier ce changement restent dans la main des Etats. En 2012, 67 % des émissions de CO2 étaient soumises à des législations nationales ou à des stratégies de réductions contre 45 % en 2007, lors de la parution du dernier rapport du GIEC. Et déjà, les politiques de taxation de l’énergie mises en place dans certains pays, ont « aidé à réduire le lien entre croissance des émissions et PIB », se réjouissent les experts. Restera ensuite aux Etats à s’accorder entre eux lors des négociations internationales. Ce qu’ils n’ont pas réussi à accomplir jusqu’à présent.
En dépit des alertes publiées régulièrement par les scientifiques depuis 25 ans, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de plus en plus vite. Elles ont crû de 2,2 % par an entre 2000 et 2010 contre 0,4 % en moyenne depuis 30 ans.