Publié le 09 avril 2014

ENVIRONNEMENT

Changement climatique : les entreprises en première ligne

L’avertissement du GIEC, lancé la semaine dernière, doit résonner aux oreilles des entreprises. Plusieurs d’entre elles observent déjà les effets du changement climatique sur leur métier  et ont déjà décidé de mettre en place une stratégie d’adaptation afin d’assurer leur avenir. Mais l’inertie reste forte au sein de l’immense majorité des acteurs économiques.

 

 

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Usine de déssalement d'eau de mer à Melbourne (Australie)
© Suez Environnement

« Avec une moyenne des températures supérieures de 2°C à celles que nous connaissons actuellement, nous entrons dans un monde où l’adaptation est très difficile » Le ton de Jean Jouzel, le vice-président du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), est direct lorsqu’il s’adresse au parterre de représentants d’entreprises venus l’écouter. Une rencontre organisée à l’occasion de la publication d’un guide destiné à les aider à s’adapter au changement climatique (1). « Si on imagine le pire scénario du GIEC à +4°C,reprend-il, ce sont des canicules à répétitions qui sont à prévoir avec des étés où les températures seront supérieurs de 7 à 8 °C par rapport à celles actuelles. A titre de comparaison, la canicule de 2003, c’était +3°C...»

La canicule de 2003 : un surcoût de 300 millions d’euros pour Edf

Le chiffre a de quoi inquiéter. Car chez Edf par exemple, 2003 a marqué les esprits. A l’époque, les centrales – thermiques ou nucléaires- souffrent du manque d’eau pour assurer leur refroidissement et tournent au ralenti. L’électricien n’a d’autre choix que de s’approvisionner à l’étranger. La facture est salée. Au total, les fortes chaleurs estivales ont représenté un surcoût de 300 millions d’euros, soit le tiers de son bénéfice net. « Les crises climatiques des années 2000, que ce soit la tempête de 1999/2000 ou la canicule, nous ont fortement impactées », reconnaît Jean-Yves Caneill, responsable des politiques climatiques chez Edf. C’est à la suite de cet épisode qu’EDF a lancé son plan « aléa climatique » ainsi qu’un programme destiné à mesurer l’état de la source froide nécessaire à l’entreprise pour envisager sereinement les 20 à 30 années suivantes. Depuis 2010, le groupe dispose d’une stratégie d’adaptation au changement climatique pour les équipements actuels et futurs de toutes ses entités.

Un changement de logique économique à prévoir pour Suez Environnement

L’adaptation au changement climatique, c’est aussi une nécessité pour Suez Environnement. « Son impact sur nos métiers est évident, notamment en ce qui concerne l’eau, souligne Hélène Valade, directrice développement durable du groupe. A l’avenir, nous serons à la fois confrontés à un manque d’eau puisque, selon le GIEC, 47% de la population vivra dans des régions à fort stress hydrique, et à un trop plein d’eau avec la multiplication des épisodes climatiques extrêmes comme les inondations, particulièrement en zones urbaines ». Pour s’adapter et contribuer à l’effort d’atténuation, « Suez travaille donc à augmenter la quantité d’eau disponible grâce à des techniques de dessalement moins énergivores pour les eaux de mer et saumâtres. Elle cherche aussi à appliquer les principes de l’économie circulaire aux eaux usées traitées en les réutilisant pour les besoins agricoles ou industriels avant de les rejeter en mer », détaille-t-elle. Plus largement, « cela demande de faire évoluer notre modèle économique, conclut-elle. Il s’agit de passer d’une logique économique de volume à une logique de valeur ».

En 20 ans, des indemnisations liées aux phénomènes climatiques multipliés par 2

Cela va cependant demander du temps, selon Christian Caye, délégué au développement durable du groupe Vinci : « Je crains que le secteur de la construction ne soit pas au rendez-vous. Beaucoup d’entreprises se disent surtout que le changement climatique va apporter de nouveaux business mais peu travaillent à résoudre les vrais problèmes. Le marché ne les y aide d’ailleurs pas. Les appels d’offres sont encore centrés sur le triptyque qualité-coût-délais, avec, éventuellement, un soupçon de développement durable ».

Les entreprises seraient pourtant bien avisées de regarder le risque financier qu’elles prennent en éludant la question du changement climatique. La position privilégiée des assureurs et réassureurs les a amenés à publier de nombreuses études sur les coûts engendrés par les phénomènes extrêmes.  Au niveau mondial, l’assureur Axa évoque ainsi d’une fréquence des évènements naturels majeurs multipliée par 5 sur les 50 dernières années, avec un coût pour la société civile multiplié par 10 ! Selon Jacques de Peretti, le directeur général délégué d’Axa France, rien que pour l’Hexagone, les indemnisations liées aux phénomènes climatiques se sont élevées à 30 milliards d’euros ces 20 dernières années. Et pour les 20 prochaines, « il faut s’attendre à un doublement », assure-t-il. Soit 3,5 milliards d’euros chaque année.

(1) « les entreprises et l’adaptation au changement climatique », avril 2014, publié par l’Epe , une association de grands groupes sur la thématique de l’environnement, et l’ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique).

Béatrice Héraud
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