Publié le 01 décembre 2022
ENVIRONNEMENT
Greenwashing : Air France revient sur son option de compensation carbone sous la pression des associations
Air France a dû revoir sa copie. La compagnie proposait depuis cette année à ses passagers une option "environnement" pour réduire l’empreinte carbone de leur vol. Une pratique trompeuse selon plusieurs associations qui ont interpellé l’entreprise dans une tribune et une pétition. Si Air France a fait marche arrière, ce n’est pas la première fois qu’elle se fait rappeler à l’ordre sur sa stratégie de compensation carbone.

ODD ANDERSEN / AFP
Depuis quelques mois, Air France offre la possibilité à ses clients de souscrire à une nouvelle option lors de l’achat d’un billet. Intitulée "environnement", cette dernière proposait jusqu’à fin octobre de "compenser" - en partie ou entièrement - les émissions de CO2 liées à leur voyage. Plusieurs paliers, correspondant à un pourcentage plus ou moins élevé du prix du billet, étaient présentés. Le moins cher permettait de participer au financement de projets de reforestation, le plus élevé, d’investir dans le développement et l’achat de carburants alternatifs.
Problème : plusieurs associations réunies au sein de Pensons l'Aéronautique pour Demain (Pad) ont estimé que cette pratique relevait du "greenwashing" et "induisait en erreur les voyageurs". Au travers d’une tribune publiée sur Reporterre, accompagnée d’une pétition qui a réuni un peu moins de 8000 signatures, le collectif dénonce des messages trompeurs, qui laisseraient "croire que l’on peut prendre l’avion sans émettre de CO2 en payant une simple option".
Air France réagit face à la mobilisation
D’une part, les associations questionnent l’efficience des projets de reforestation. Elles soulignent le "suivi" et la "durabilité" des projets sélectionnés qui peuvent s’avérer peu efficaces, voire contre-productifs dans certains cas. De plus, les arbres plantés mettront plusieurs années pour absorber l’équivalent du volume de CO2 relâché durant le vol. La compensation est ainsi loin d’être immédiate. D’autre part, de nombreuses incertitudes demeurent quant à l’usage et la production de carburants alternatifs, qui comprennent notamment les biocarburants. S’ils constituent un levier important pour la réduction de l’empreinte carbone de l’aérien, ils représentent aujourd’hui seulement 1% du carburant utilisé par le secteur en France.
Depuis, Air France a fait marche arrière. En préambule de sa pétition, le collectif Pad affirme que le directeur du développement durable et des nouvelles mobilités de l’entreprise, Vincent Etchebehere, admet un "manque de cohérence" et s’engage à "revoir en profondeur" ce dispositif. L’option apparaît toujours dans le parcours d’achat de billets d’avion, mais elle ne mentionne plus les projets de reforestation. Exit également le principe de compensation directe des émissions carbone produites par le voyage du client. Air France évoque maintenant une "contribution à la réduction des émissions de CO2 sur [les] futurs vols" de la compagnie.
La compensation au cœur des controverses
Ce n’est pourtant pas la première fois que la compagnie aérienne française doit revoir son argumentaire. En juillet 2020, elle avait déjà été rappelée à l'ordre après avoir affiché la mention "neutre en CO2" sur certains vols métropolitains. Elle se justifiait alors en mettant en avant un programme de compensation carbone via des projets de "reforestation, de préservation de la biodiversité ou de transition énergétique", tout en s’appuyant, à tort, sur le Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat). Les associations et ONG sont de plus en plus vigilantes sur les discours environnementaux d'entreprises de secteurs très carbo-intensifs. D'autres compagnies aériennes, comme l'Allemande Lufthansa, ont ainsi fait l'objet de plaintes devant le régulateur de la publicité pour leurs allégations environnementales trompeuses.
Le cas Air France illustre le risque réputationnel grandissant associé à la mise en place de mécanismes de compensation carbone par les compagnies aériennes. Des stratégies qui commencent à être remises en cause directement par certains acteurs du secteur, à l’instar de Tony Douglas, PDG d'Etihad Airways qui reconnaissait en 2021 "un palliatif à court terme". Pour le collectif Pad, il s’agit surtout de l’arbre qui cache la forêt. Il rappelle par ailleurs que le "seul levier efficace aujourd’hui pour réduire [l’]impact [de l’avion] est d’en limiter l’usage".
Florine Morestin