Publié le 08 juin 2018

ENVIRONNEMENT

En annonçant la disparition de Monsanto, Bayer veut faire oublier les victimes

C'est une des principales craintes de la fusion entre Bayer et Monsanto : que le géant américain échappe aux milliers de plaintes dont il est la cible. Impossible s'il s'agit bien d'une fusion. Mais si cette opération comprend une clause spécifiant que Bayer ne récupère pas le passif de Monsanto, s'ouvre un parcours du combattant pour les victimes de l'entreprise américaine, dont le nom va disparaître. 

Bayer a annoncé la suppression de la marque Monsanto le 4 juin.
Capture d'écran du documentaire Le Rundup face à ses juges

Il y a un risque. Ou plutôt une crainte, qui monte de plus en plus dans les rangs des associations environnementales et des spécialistes des pratiques de Monsanto. Et si, en fusionnant avec Bayer, le géant américain échappait à la justice ? Le groupe devenu célèbre pour ses OGM et ses pesticides vient d’être racheté par Bayer, mastodonte de la chimie, pour 66 milliards de dollars. La crainte est d'autant plus vive que, le 4 juin, Bayer a annoncé que le nom Monsanto allait disparaître

"Bayer devient notre adversaire"

Or, Monsanto est poursuivi par des milliers de personnes à travers le monde. Du Sri Lanka en passant par les États-Unis, des collectifs d’agriculteurs, d’ONG ou de citoyens ont porté plainte contre la firme. En France, un agriculteur, Paul François, a obtenu gain de cause. Il est le premier à avoir fait condamner Monsanto pour avoir été intoxiqué au Lasso, un herbicide interdit depuis maintenant une dizaine d’années en France. La firme, qui doit indemniser l’agriculteur, n’a toujours pas versé l’argent, prolongeant ainsi la bataille judiciaire.

"S’il s’agit réellement d’une fusion, Bayer va se substituer à Monsanto et devenir notre adversaire", explique François Lafforgue, avocat de l’agriculteur charentais. "Il devrait récupérer le passif de Monsanto et il ne pourra pas s’exonérer de sa responsabilité. Reste à connaître les modalités de l’opération", ajoute François Lafforgue.

Une mauvaise opération financière

Et c’est bien le nœud du problème, soulevé par l’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage. "On ne connaît pas clairement le contrat. Il peut y avoir une structure de défaisance qui indique que Bayer ne prendra pas le passif de Monsanto", avance l’avocate. "Dans ce cas, les plaignants se heurteront à une difficulté de procédure majeure", prévient-elle. 

D’autant que l’opération, d’un point de vue financier, pose question. Les plaintes pourraient en effet déboucher vers des indemnisations se chiffrant à des milliards de dollars, alors que Monsanto est déjà en mauvaise santé financière. 

"C’est surprenant de voir que Bayer accepte de payer 59 milliards d’euros pour une firme qui ne les vaut pas. Monsanto ne va pas très bien, il est en train de licencier des milliers de personnes et son chiffre d’affaires s’élevait à 15 milliards d’euros l’année dernière", expliquait à Novethic en octobre dernier Marie Monique Robin, réalisatrice du documentaire Le Roundup face à ses juges.

"J’ai dû mal à penser que tout cela n’est pas bordé"

"J’ai dû mal à penser que tout cela n’est pas bordé", glisse Nadine Lauverjat de Générations Futures. L’association a déposé une plainte contre Monsanto sur le glyphosate. Elle est représentée par le même avocat que Paul François. "Monsanto est la cible de procès fleuves aux États-Unis notamment. Nous pensons clairement que cette fusion est une stratégie pour échapper à la justice", ajoute Nadine Lauverjat. 

En attendant, la fusion, si elle en est vraiment une, s’est réalisée à vitesse grand V depuis que les autorités américaine et européenne ont donné leur accord à ce mariage le 29 mai dernier. L’acquisition de Monsanto a été actée hier, 7 juin, selon la volonté de Bayer. 

Marina Fabre @fabre_marina


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