Publié le 26 août 2025

À trois mois de la COP30, le moratoire sur le soja issu de la déforestation en Amazonie a finalement été rétabli par la justice brésilienne. Un sursis pour cet accord emblématique, attaqué par une partie du secteur agricole, mais considéré comme un rempart essentiel contre la destruction de la forêt.

Coup de théâtre au Brésil : le moratoire sur le soja, cet accord emblématique contre la déforestation en Amazonie, a finalement été rétabli le 25 août, à la suite d’une décision du Tribunal fédéral. Une semaine plus tôt, le Conseil administratif de défense économique (Cade), autorité brésilienne de la concurrence, avait pourtant prononcé sa suspension, déclenchant une vague d’indignation parmi les ONG.

Le 18 août, le Cade avait en effet accédé à une demande formulée par la commission de l’agriculture de la chambre des députés pour ouvrir une procédure contre le moratoire, accusé de “nuire à la libre concurrence”. Selon l’organe antitrust, cet accord signé en 2006 entre une trentaine d’exportateurs de soja, dont les géants Cargill, Bunge ou Louis Dreyfus, constituait un “accord anticoncurrentiel” désavantageant certains producteurs.

Ces entreprises s’étaient engagées à l’époque à ne pas acheter de soja cultivé sur des terres déforestées après 2008 dans la région amazonienne. Un engagement volontaire mais contraignant, conçu sous pression internationale, notamment de l’Europe, face à l’explosion de la déforestation liée à l’agronégoce brésilien. Mais la décision du Cade imposait aux signataires de se retirer du moratoire sous dix jours, sous peine de sanctions. Une attaque frontale contre un accord considéré par beaucoup comme l’un des outils les plus efficaces pour ralentir la destruction de l’Amazonie. Entre 2009 et 2022, la déforestation aurait chuté de 69% dans les zones couvertes par le moratoire.

“Un instrument de promotion du développement durable” 

Dans un communiqué, Greenpeace Brésil a salué le rétablissement du moratoire, parlant d’un “soulagement” face à une attaque qui “posait des risques de nouvelle déforestation” et envoyait “un signal négatif aux autres initiatives zéro déforestation”. Selon Cristiane Mazzetti, responsable des campagnes forêts, “démanteler un accord aussi efficace reviendrait à se tirer une balle dans le pied”.

Fait rare, c’est l’Association brésilienne des industries d’huile végétale (Abiove), habituellement alliée du secteur agricole, qui a déposé le recours devant le Tribunal fédéral. Le juge a donné raison à l’association, estimant que la suspension du moratoire n’avait pas pris en compte les arguments techniques et juridiques, et qu’elle interférait dans la politique environnementale du pays, selon le document recueilli par Agencia Brasil. Il a aussi souligné que le moratoire, bien que non contraignant par la loi, “constitue un instrument reconnu de promotion du développement durable”, et que sa suppression par un acte unilatéral sans débat collégial était “disproportionnée et prématurée”.

La bataille autour du moratoire met en lumière les divisions internes à la filière soja au Brésil. D’un côté, les négociants mondiaux, en lien avec des marchés exigeants comme l’Europe, soutiennent généralement ce type d’accords pour préserver leur accès aux débouchés. De l’autre, certains producteurs — notamment du Cerrado ou du Mato Grosso — dénoncent une concurrence qu’ils jugent inégale. Ils estiment que le moratoire les pénalise alors que la législation brésilienne ne l’impose pas.

La bataille n’est pas finie

Si le moratoire a été sauvé, sa fragilité demeure. Il repose sur un engagement volontaire et n’a pas de valeur légale stricte. Or, la législation nationale et internationale évolue. Le règlement européen contre la déforestation importée, entré en vigueur en 2023, interdit l’importation de produits liés à la déforestation postérieure à décembre 2020. Le moratoire, lui, reste figé à la date de 2008. Un décalage qui crée une zone grise juridique : le règlement européen exige le respect des lois locales, mais pas nécessairement des accords privés comme le moratoire. Cela complique l’harmonisation des normes, même si les ONG plaident pour que ces initiatives volontaires soient reconnues comme des outils complémentaires.

Cette crise survient à quelques mois de la COP30, qui se tiendra en novembre à Belém, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Un symbole fort : le Brésil y sera observé de près, notamment pour ses engagements en matière de lutte contre la déforestation. Le président Lula, revenu au pouvoir en 2023, a promis d’inverser la tendance destructrice impulsée sous Jair Bolsonaro, période durant laquelle les taux de déforestation avaient explosé. Greenpeace appelle l’autorité de la concurrence à “considérer les conséquences environnementales” et à ne pas céder aux pressions de ceux qui veulent “produire sans contraintes”.

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