Publié le 19 août 2025

Les vagues de chaleur touchent tous les secteurs de l’économie française. L’économiste Christian Parisot explique à Novethic comment les canicules créent de la croissance… sans améliorer la vie, et pourquoi elles imposent des coûts durables et des investissements pour s’adapter.

La France est en train de sortir d’une vague de chaleur qui a provoqué des records de températures. Peut-on chiffrer le coût économique des canicules ?

On l’avait calculé pour l’Europe et on tombe à peu près sur les mêmes chiffres pour la France : les canicules freinent la croissance française de 0,2 à 0,3% du PIB. Mais c’est très difficile à évaluer. On peut avoir des impacts à très court terme. S’il fait chaud, vous travaillez moins, mais il peut y avoir des effets de rattrapage qui annulent une partie de ces pertes. Prenez le tourisme : quand il y a des canicules dans le Sud, une partie du flux se déplace vers le Nord. Globalement, sur la France, ça atténue un peu les effets. Ces impacts sont donc en partie lissés.

En revanche, il y a des conséquences beaucoup plus durables. Le secteur de la santé est particulièrement mis sous tension. C’est plutôt bon pour l’économie du secteur, mais ce n’est pas bon humainement. C’est tout le paradoxe : on crée de l’activité parce qu’il y a des personnes fragilisées, mais ça ne veut pas dire que la société s’en porte mieux.

Autre exemple : le secteur énergétique. On pourrait penser que c’est positif, parce qu’on consomme plus d’électricité pour la climatisation. Mais d’un autre côté, cela met le matériel sous pression. Les réseaux électriques souffrent des chaleurs extrêmes. Finalement, ce n’est pas si positif que cela.

Quels sont les secteurs les plus touchés par ces vagues de chaleur ?

L’agriculture en premier, parce que les dégâts sont irrécupérables. Si votre vigne ou votre production est mise à mal, ça ne rebondit pas comme dans l’industrie. Ce qui est perdu est perdu. Ensuite, il y a le secteur des transports. Ce qui est en retard, ce qui est pénalisé par la chaleur, n’est pas rattrapé. Quand des trains sont ralentis ou des routes fermées, la perte est définitive. Et puis il y a le secteur des assurances, qui est celui qui nous donne le plus de détails. Pourquoi ? Parce qu’ils indemnisent. Les assureurs sont très exposés, avec des impacts à long terme : fissures dans les maisons, problèmes de fondations, infrastructures publiques et autoroutières abîmées, etc. Ces coûts inquiètent énormément les assureurs aujourd’hui.

Et cela dépasse l’impact direct d’une canicule. Ce sont des conséquences plus globales liées au changement climatique, beaucoup plus lourdes et durables. Avant, on considérait que la canicule était un événement exceptionnel qui retirait un peu de croissance. Aujourd’hui, on sait que ces épisodes vont se répéter, qu’ils vont devenir structurels et qu’il faut les intégrer dans notre organisation économique.

Par exemple en Allemagne, le Rhin est utilisé comme voie navigable pour alimenter beaucoup d’industries allemandes. La baisse du niveau du Rhin a des impacts majeurs dans le transport de marchandise. Le transport fluvial fait partie des secteurs qui sont les plus affectés. Cela veut dire qu’il faut trouver d’autres solutions de transports dans ces cas là mais qui peuvent être plus coûteux. Ce sont des effets qui peuvent jouer à plus ou moins long terme.

L’économie française peut-elle encaisser ces chocs à long terme ?

Oui, parce que le propre de l’économie, c’est de s’adapter. On va résister, parce que ça peut même créer de l’activité, comme dans la santé ou la rénovation. Mais c’est tout le paradoxe : on crée de la croissance sans améliorer notre qualité de vie. Si vous avez plus de gens qui ont besoin de soins, on va recruter des infirmiers, des médecins. Quand on rénove des maisons fissurées, on crée de l’activité économique. Mais est-ce que c’est ce qu’on veut ? Est-ce que ça améliore notre vie ? Non. C’est une adaptation qui coûte.

Est-ce que vous serez plus heureux si je vous dis qu’une partie de votre salaire va servir à financer le service de santé pour résister aux canicules ? On s’adapte, mais c’est un élément qui dégrade notre vie, pas quelque chose qui l’améliore. Ça impose plus de prélèvements sociaux pour soutenir les secteurs sous tension, mais ça n’augmente pas notre pouvoir d’achat. Comme dirait Keynes : si je reste dans un bouchon, j’augmente le PIB. Mais est-ce que je vis mieux ?

Et sur le long terme, il faudra investir massivement pour adapter nos infrastructures : réseaux électriques, transports, outils de production. Dans les pays habitués à la chaleur comme le Qatar ou le Moyen-Orient, tout est déjà dimensionné. Nous, non. Cela va demander des investissements énormes. Mais toutes les études économiques le disent : ne rien faire coûterait beaucoup plus cher que d’investir dès maintenant.

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