La canicule coûte aussi très cher à l’économie. C’est ce que montrent de plus en plus d’études, à mesure que se multiplient les phénomènes de vagues de chaleur partout dans le monde. Les canicules qui ont frappé la France depuis le début du printemps auraient par exemple déjà coûté 0,3 point de PIB, soit près de 9 milliards d’euros à l’économie française, selon une estimation préliminaire publiée par Allianz Trade. Dans les pays du sud de l’Europe, plus touchés par les journées caniculaires, les coûts sont encore plus élevés selon Allianz Trade : – 1,1 point de PIB en Grèce, 1,2 en Italie, et même 1,4 en Espagne pour les dernières chaleurs de mai et juin. En moyenne, les pays européens se voient ainsi amputer d’un demi-point de PIB. L’organisme d’assurance explique notamment que cette vague de chaleur particulièrement longue, intense et précoce a pesé lourdement sur la productivité des salariés, mais aussi sur les rendements agricoles.
Vidéo : quatre chiffres chocs pour comprendre l’ampleur de la canicule en France
D’autres études ont tenté d’évaluer le coût économique global des canicules depuis plusieurs années. L’Agence européenne de l’environnement, par exemple, estimait en 2022 que les canicules ayant touché une trentaine de pays européens entre 1980 et 2000 avaient coûté près de 60 milliards d’euros. Une étude internationale a de son côté calculé qu’entre 1992 et 2013, les vagues de chaleur avaient statistiquement coïncidé avec des variations à la baisse de la croissance économique et qu’environ 16 000 milliards de dollars ont été perdus en raison des effets des températures élevées sur la santé humaine, la productivité et la production agricole.
Canicule : l’agriculture en première ligne
Le secteur agricole est d’ailleurs particulièrement affecté par les vagues de chaleur. Dans son rapport d’évaluation des impacts de la canicule de 2003, le Sénat notait ainsi une baisse globale des rendements céréaliers de près de 21%, et jusqu’à près de 30% pour l’avoine, ou le maïs. Quant à la canicule de cette année, particulièrement précoce, “les conséquences pourraient être importantes” estime l’agro-climatologue Serge Zaka. Outre des baisses conséquentes à prévoir sur les rendements céréaliers, ce dernier craint également une “croissance fortement ralentie (jusqu’à -50 % pour le melon, -80 % pour la carotte)” et une “floraison perturbée voire avortée” pour certains fruits et légumes (tomate, aubergine, poivron).
La canicule pèse également sur le secteur de la construction et des travaux publics, bien souvent contraints de faire cesser les chantiers lors de fortes chaleurs. Selon un sondage mené l’an dernier auprès des professionnels du secteur, près de 20% des entreprises de la construction en France ont ainsi subi des retards de livraisons et des arrêts de chantier liés aux vagues de chaleur. Avec la multiplication des canicules, le secteur pourrait être de plus en plus durement frappé. L’énergie, les transports et tous les secteurs exposés aux événements climatiques sont concernés.
L’exposition de l’économie aux canicules va s’amplifier
Mais c’est aussi la productivité globale de l’économie qui est affaiblie par la hausse des températures. La productivité physique décroit ainsi de près de 40% au-dessus de 32°C, et des 2/3 au-delà de 38. Lorsque la température approche des 30°C, les capacités cognitives sont aussi affectées, comme l’a notamment montré une étude de l’Université de Yale. Selon l’Organisation Internationale du travail, si les températures mondiales augmentent durablement de 1,5°C, l’équivalent de 80 millions emplois seront perdus à cause des pertes de productivité au travail induites par les fortes chaleurs dans le monde. Or, avec le réchauffement climatique, l’exposition des travailleurs à ces conditions de chaleur ne va faire que s’accentuer
Selon une étude publiée en 2021, les impacts économiques des vagues de chaleur en Europe seront multipliés par 5 d’ici 2060 (par rapport à la moyenne 1981-2010), à cause du réchauffement climatique qui rend ces phénomènes plus intenses et plus fréquents. Les grandes villes, qui produisent près des 3/4 du PIB européen, risquent d’ailleurs d’être les plus affectées. Selon un rapport publié par les experts de la Banque Mondiale, dans les villes européennes, le PIB pourrait ainsi baisser de 2,5 points par an d’ici 2050 à cause des vagues de chaleur, qui frappent particulièrement durement les espaces urbanisés. En France, les services du Premier Ministre estiment que jusqu’à 8% de la productivité globale du pays pourrait être perdue en 2080 à cause des vagues chaleur. Des pertes auxquelles il faut ajouter les coûts en matière de santé, qui explosent lors des canicules.
Ces chiffres illustrent en tout cas l’urgence pour les économies mondiales de prendre enfin à bras le corps la question de la crise climatique, par des politiques efficaces d’atténuation et d’adaptation climatique. La France, qui est encore très en retard sur l’adaptation aux vagues de chaleur, a encore du travail pour se préparer à cette nouvelle réalité climatique.