Publié le 16 février 2025

Une nouvelle ruée vers l’or ? Avant même son investiture en tant que 47e président des États-Unis, Donald Trump a annoncé sa volonté d’annexer le Groenland. Entre enjeux de sécurité nationale et ressources précieuses, Novethic décortique les motivations qui poussent le président américain à convoiter ce territoire autonome danois.

C’est une annonce qui en a refroidi plus d’un. Le 22 décembre dernier, près d’un mois avant son investiture, Donald Trump a écrit sur son réseau social Truth Social : “Pour des raisons de sécurité nationale et de liberté dans le monde, les États-Unis d’Amérique estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue.” Un message qui a soulevé un tollé aussi bien à Copenhague qu’à Nuuk, la capitale de cette île arctique, où le chef du gouvernement groenlandais, Mute Egede, a affirmé : “le Groenland est à nous. Nous ne sommes pas à vendre et ne le serons jamais”.

Cette menace reste néanmoins prise au sérieux. Ce n’est en effet pas la première fois que Donald Trump se met en tête d’acquérir ce vaste territoire de près de 2,2 millions de kilomètres carrés, recouvert à 80% de glace et peuplé par 57 000 Inuits. Lors de son premier mandat, en 2019, l’ancien promoteur immobilier avait déjà exprimé son souhait d’acheter le Groenland. Ces velléités répétées d’acquérir cette île ne doivent rien au hasard.

Au cœur d’une bataille entre grandes puissances

Car ce territoire, grand comme quatre fois la France, est au centre d’enjeux géopolitiques majeurs. L’île est aujourd’hui convoitée à la fois par les États-Unis, la Chine et la Russie. Pour la docteure en relations internationales et professeure agrégée de géographie, Camille Escudé, “cette volonté de Donald Trump de mettre la main sur le Groenland est avant tout une affirmation de pouvoir sur la scène internationale, au-delà des enjeux économiques”.

“Les États-Unis ont pendant très longtemps mis de côté cette région du monde”, explique auprès de Novethic l’autrice du livre Géopolitique de l’Arctique (éditions PUF, 2024), laissant ainsi le champ libre à la Russie et à la Chine. Ce dernier ne cache d’ailleurs pas son intérêt sur le Groenland et la région arctique, bien qu’il ne soit évidemment pas un pays arctique. Dans son livre blanc  sur l’Arctique, publié en janvier 2018 et censé résumer les grandes orientations stratégiques de Pékin sur cette région du monde, l’Empire du Milieu s’est auto-proclamé en 2019 être un “near arctic state”, soit un “État proche de l’Arctique”.

Ce positionnement s’explique notamment par le rattachement de la route maritime du Nord à la nouvelle Route de la soie maritime, aujourd’hui libre de glace 10 mois sur 12 et qui devrait l’être à 100% d’ici 25 ans sous l’effet du changement climatique, nous indique Camille Escudé. Or, cette présence chinoise dans cette région polaire inquiète Donald Trump et plus largement le parti républicain depuis quelques années. “Cela est devenue pour les États-Unis un enjeu de sécurité”, précise le géopolitologue des pôles Mikaa Blugeon-Mered, auteur du livre Les mondes polaires (éditions PUF, 2019). Et le Groenland reste pour les États-Unis, avec sa base militaire de Pittufik (ancienne base de Thulé, NDLR), un lieu stratégique pour surveiller et prévenir toute activité sous-marine russe, voire “hypothétiquement chinoise à long terme”, dans l’Atlantique Nord.

Une île qui regorge de terres rares

Le second volet crucial de la convoitise des États-Unis pour le Groenland réside dans sa sécurité énergétique. “Le pays a des besoins énergétiques faramineux, notamment en batteries, en semi-conducteurs, et donc en terres rares”, analyse Mikaa Blugeon-Mered. Or, cette île glacée en regorge, et ce trésor est aujourd’hui de plus en plus accessible à mesure que la glace fond. L’Union européenne y a identifié 25 des 34 minéraux de sa liste officielle de matières essentielles à la transition écologique, dont les très stratégiques terres rares.

Même son de cloche du côté américain. Selon le US Geological Survey (USGS), le Groenland abrite les plus grands gisements inexploités de métaux critiques au monde, entre 12 et 20% des réserves de la planète. Ces réserves resteraient néanmoins loin derrière celles de la Chine, mais supplanteraient celles de la Russie ou des États-Unis. On y trouverait en particulier du néodymium, du praséodymium, du dysprosium et du terbium, autant de matériaux indispensables à nos voitures électriques, nos téléphones portables ou encore nos éoliennes.

Or les États-Unis refusent de dépendre de la Chine dans ce secteur. Alors le pays de l’Oncle Sam aimerait bien mettre la main sur ce trésor. KoBold Metals, société californienne d’exploration des métaux soutenue par les trois milliardaires Bill Gates, Michael Bloomberg et Jeff Bezos, y est déjà impliquée. L’entreprise y a même lancé en mars 2022 ses premiers forages non loin de la baie de Disko, dans le sud-ouest de l’île, pour y prospecter du nickel, du cuivre et du cobalt. Le nombre de licences minières a d’ailleurs explosé ces dernières années, passant de 19 en 2001 à plus d’une centaine en 2022.

Miser sur un avenir plus “green”

Mais une question se pose déjà parmi la population : que deviendra le Groenland lorsque ce dernier aura extrait et vendu toutes ses richesses ? Pour le chercheur Mika Blugeon-Mered, “le Groenland a tout à gagner à miser sur un avenir green et notamment son indépendance financière”. “À travers l’éolien, la géothermie, la biomasse ou encore l’hydrogène vert, l’Arctique apparaît aujourd’hui comme une région capable de fournir une quantité astronomique d’énergies renouvelables et exportables à l’échelle mondiale”, précise-t-il.

Et le Groenland n’est pas en reste avec des ressources quasi inépuisables en matière de géothermie, d’hydroélectricité ou encore d’énergie éolienne, à l’image du projet de Katabata, un parc comprenant pas moins de 10 000 éoliennes terrestres. À lui seul, ce parc pourrait couvrir près de 50% des besoins électriques de la France. Seul le solaire fait défaut au pays en raison de ses longues nuits polaires. Ainsi, le pays a tout pour mener à bien la production d’électrons verts sous forme d’hydrogène. Une transition déjà en marche au plus haut sommet de l’État groenlandais. Son Premier ministre, Mute Egede, a appelé lors de ses vœux de 2025 à faire du Groenland “la solution pour la transition verte de la planète”.

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