Publié le 20 janvier 2025

Alors que Donald Trump prend à nouveau les rênes du gouvernement des Etats-Unis, l’incertitude domine en matière écologique et sociale. Quel avenir pour l’Accord de Paris sur le climat ? Quelles évolutions en matière de droits des travailleurs et d’inclusion dans l’économie américaine ? Quid de la finance durable aux Etats-Unis ? Voici trois questions qui se posent à l’aube de la nouvelle présidence Trump.

  • Donald Trump va-t-il faire dérailler l’Accord de Paris ?

Le nouveau président des Etats-Unis a promis de retirer une seconde fois son pays de l’Accord de Paris sur le climat. Et contrairement à 2017, il ne lui faudrait qu’un an pour sortir du traité qui engage aujourd’hui près de 200 Etats, aucun autre pays n’ayant fait défection. Pour le Commissaire européen au climat, Wopke Hoekstra, “ce serait un coup sérieux pour la diplomatie climatique internationale” qui obligerait d’autres pays à “redoubler d’efforts en matière de diplomatie climatique”. Avant de quitter ses fonctions, Joe Biden a toutefois pris plusieurs mesures climatiques. Alors que tous les Etats devront avoir mis à jour leur engagement climatique d’ici le mois de février, le président sortant a voulu tenir le calendrier. Le 19 décembre, son administration a publié la contribution nationale déterminée (NDC) des Etats-Unis qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 61 à 65% d’ici 2035. Plus récemment, Joe Biden a également prononcé l’interdiction de nouveaux forages offshores sur plus de 2,5 millions de kilomètres carrés.

Un pied de nez à Donald Trump qui a promis de détricoter toutes les réglementations environnementales afin d’extraire un maximum de gaz et de pétrole, suivant son slogan phare “Drill baby drill”. Le climatosceptique affiché souhaite aussi revenir sur l’Inflation reduction act (IRA), l’une des lois les plus ambitieuses du pays pour favoriser le développement des énergies vertes. Et si une partie du monde économique est décidée à poursuivre la transition, un rapport de l’université du Maryland estime que si ces réglementations étaient annulées, les acteurs non fédéraux ne pourraient atteindre qu’une réduction des émissions de 48% d’ici 2035. Ces reculs ne seront toutefois pas si aisés. Notamment parce que près de 60 % des projets liés à l’IRA – représentant 85% des investissements et 68% des emplois – se situent dans des Etats républicains, révèle une autre étude.

  • Les droits des travailleurs sont-ils sur la sellette ?

Bien qu’il se présente comme le président des ouvriers et des cols bleus, le président Donald Trump n’a jamais caché sa volonté d’affaiblir les droits des travailleurs américains. Le Projet 2025 qui constitue le socle idéologique de son programme, propose pêle-mêle de limiter le droit d’organisation, de permettre aux États d’interdire les syndicats, d’abroger les lois sur les heures supplémentaires, d’intensifier les raids sur les lieux de travail pour lutter contre l’immigration et de supprimer les protections en matière de santé et de sécurité et les protections contre le travail des enfants… Objectif : “stimuler la croissance, la création d’emplois et la productivité”. Avec le très ouvertement anti-syndical Elon Musk, Donald Trump pourrait mettre en place un véritable projet de casse sociale au nom de la simplification et de la compétitivité. Donald Trump devrait aussi encourager le virage anti-social de l’économie américaine, avec des politiques plus restrictives en matière d’inclusion et des normes plus dures pour les travailleurs immigrés ou issus des minorités, alors que nombre d’entreprises américaines, dont Meta, reviennent déjà sur leurs politiques de diversité.

Le nouveau président cherchera également à imposer son agenda de dérégulation au reste du monde, et en particulier à l’Union européenne, dont Donald Trump critique depuis longtemps le cadre réglementaire pour les multinationales. La directive sur le devoir de vigilance européen, mais aussi la CSRD, directive sur le reporting de durabilité, qui s’imposeront aux entreprises américaines dans les prochaines années, pourraient être attaquées par l’administration Trump, et le bras de fer sera certainement difficile pour une Europe désunie. Michael Mehling, l’un des fondateurs du think tank ERCST (European roundtable on climate change and sustainable transition), affirmait ainsi en décembre dernier lors d’une conférence à Bruxelles sa crainte que Donald Trump “plante ses crocs” dans les réglementations européennes. S’il s’y attaque, les droits environnementaux et sociaux, et notamment les droits des travailleurs sur les chaînes de valeur internationales, pourraient être durablement affaiblis.

  • La finance durable vit-elle ses derniers moments ?

Les acteurs financiers américains ont pris les devants. Les semaines ayant précédé l’investiture de Donald Trump, les défections dans les alliances sur la neutralité carbone se sont multipliées. Coté banques, JP Morgan, Bank of America, Wells Fargo et les autres ont rendu leur carte de la Net zero banking alliance. Côté investisseurs, Blackrock a quitté l’initiative Net zero asset managers, peu après Vanguard. Tous anticipent une politique beaucoup moins favorable à la finance durable, après des mois d’attaques répétées des élus républicains contre le wokisme, l’ESG, la durabilité, etc. Les acteurs du marché oscillent entre crainte d’un retour en arrière sur le financement de la transition climatique et confiance dans les engagements pris jusqu’à maintenant par les investisseurs, les banques et les assureurs.

La transformation des alliances “net zero” permettra de ne plus prêter le flanc à des accusations d’entente illégale, mais au niveau individuel, chacun poursuivra ses travaux de décarbonation. “La résilience de l’investissement durable réside dans sa capacité à s’adapter aux cycles politiques“, résume ainsi dans une note Deepshikha Singh, responsable de l’engagement chez Crédit mutuel asset management. La politique de Donald Trump va sans doute mettre des bâtons dans les roues à la finance durable. Les normes de reporting envisagées par la SEC, le gendarme des marchés, devraient par exemple être mises à la corbeille. Pour autant, “le virage des marchés mondiaux vers la durabilité est peu susceptible d’être inversé“, ajoute Deepshikha Singh.

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