Publié le 12 novembre 2024

Le mois de l’Economie sociale et solidaire (ESS) s’ouvre sous de mauvais auspices, avec un projet de loi de finances 2025 qui réduit ses crédits. Mais l’ESS, dont la loi emblématique fête ses dix ans cette année, veut défendre les atouts de son modèle d’organisation plus démocratique et orienté vers l’intérêt général.

Nous intervenons sur le premier kilomètre de l’intérêt général“, lance Benoît Hamon, le président d’ESS France, l’association représentative des intérêts des entités de l’Economie sociale et solidaire. Alors que le mois de l’ESS bat son plein et que s’ouvre, à cette occasion, la semaine de la finance solidaire, ces modèles économiques atypiques semblent encore et toujours devoir convaincre de leur utilité sociale. Depuis la loi de 2014 sur l’ESS, sa part dans l’économie française est demeurée assez stable, à 10% du PIB et 14% de l’emploi salarié. “Mais ce qui progresse fortement, c’est la contribution sociale, écologique et démocratique de l’ESS, martèle Benoît Hamon. C’est une économie de plus en plus structurée et qui a dû faire face à la défaillance du secteur public sur beaucoup de sujets, comme l’accès aux soins par exemple.

Le mois de l’ESS tombe à pic, en pleine discussion sur le projet de loi de finances 2025 qui prévoit de réduire les crédits publics à l’ESS. Entre autres, une réduction de 25% du budget dédié au financement des écosystèmes locaux ou encore la baisse des aides aux collectivités locales qui serait répercutée sur les acteurs associatifs. L’Union des employeurs de l’ESS a évalué que ces coupes budgétaires pourraient menacer près de 186 000 emplois. “C’est une catastrophe car ce sont des emplois indispensables dans les territoires“, rappelle Benoît Hamon.

“Régénérer la démocratie”

Des arguments qu’ESS France a dû faire valoir auprès de Marie-Agnès Poussier-Winsback, la nouvelle ministre déléguée chargée de l’Economie sociale et solidaire, de l’intéressement et de la participation, qui a participé au lancement du mois de l’ESS. Celle-ci a assuré que les crédits à l’ESS seraient “maintenus”.

Les acteurs de l’ESS défendent en effet un modèle qu’ils jugent particulièrement utile actuellement. “Le caractère non lucratif ou de lucrativité limitée, et la dimension démocratique qu’elle héberge, donne à l’ESS une force que les autres n’ont pas pour adresser les enjeux de la transition écologique ou des inégalités“, souligne le président d’ESS France. Alors que l’élection de Donald Trump fait craindre des menaces sur la démocratie, l’association veut valoriser le modèle de gouvernance de ses membres qui repose sur la participation des parties prenantes de l’entreprise, pas uniquement sur le pouvoir des actionnaires. “Cela rend nos entreprises douées pour le compromis et la responsabilité, assure Benoît Hamon. C’est le message qu’on adresse au gouvernement : appuyez-vous sur des entreprises démocratiques pour régénérer la démocratie“.

Inciter au passage à l’acte

Reste que le secteur de l’ESS a encore besoin de reconnaissance afin de véritablement décoller. C’est le cas pour la finance solidaire qui permet aux épargnants de financer des activités sociales et environnementales, ou encore de partager les gains de leur épargne avec des associations. Les encours de l’épargne solidaire progressent régulièrement, ils atteignent 30,2 milliards d’euros en 2023 en hausse de 15%, selon Fair, l’association des acteurs de la finance à impact social. Mais cela reste une goutte d’eau parmi les plus de 6 000 milliards d’euros de patrimoine financier des Français.

Même s’il reste une marge de progrès, j’ai l’impression que la notoriété de la finance solidaire s’améliore, espère Imad Tabet, directeur du marché des particuliers du Crédit coopératif. Il y a une tendance de fonds de la part des particuliers à être plus sensibles à ce que les banques font de leur argent. Le bémol, c’est le passage à l’acte…

Le Crédit coopératif propose ainsi systématiquement des produits d’épargne de partage à ses clients, c’est-à-dire des fonds d’investissement ou des livrets d’épargne dont une partie de la rémunération est orientée vers des associations. Une habitude qui permet de véritablement dynamiser la collecte, mais que peu de banques adoptent. “Nos livrets de partage ont généré 4,5 millions d’euros de dons aux associations en 2023 et nos fonds, 700 000 euros, reprend Imad Tabet. Nous représentons une part prépondérante de l’ensemble des dons aux associations en France.” Soit 5,2 millions d’euros en tout sur un total de collecte de dons par la finance de partage, selon Fair, de 8,5 millions d’euros en 2023.

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