Publié le 23 septembre 2024

L’économie sociale et solidaire a désormais un ministère. C’est Marie-Agnès Poussier-Winsback, élue LR en Normandie, qui en prend les rênes. Et cette dernière est très attendue par les acteurs du secteur. Novethic fait le point sur les dossiers chauds de la nouvelle ministre.

Cela faisait 10 ans que les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui rassemblent les entreprises à vocation sociale et à lucrativité limitée, représentant près de 14% de l’emploi privé en France, attendaient d’avoir un ministère dédié. Et c’est le gouvernement de Michel Barnier qui réalise ce vœu, avec la nomination de Marie-Agnès Poussier-Winsback au poste de Ministre délégué à l’économie sociale et solidaire. Cette femme politique de droite arrive à ce poste 10 ans après la première loi sur l’ESS française, dite loi Benoit Hamon, qui a posé les bases d’un cadre clair pour les entreprises du secteur, et elle est déjà très attendue.

“C’est un symbole fort et signal positif de retrouver un périmètre ministériel, mais dire ça, ça n’équivaut pas à un blanc seing” explique ainsi à Novethic Antoine Détourné, délégué général du mouvement ESS France, qui rassemble les acteurs du secteur. Ces derniers attendent surtout, comme l’explique à Novethic Fatima Bellaredj, Déléguée générale de la confédération générale des SCOP (Sociétés coopérative et participative), de “rencontrer la ministre et de voir quelle feuille de route elle compte déployer”, alors que la posture du futur gouvernement sur le sujet est pour l’heure encore floue.

“Appuyer la dynamique en faveur de l’économie sociale”

Si la nouvelle ministre déléguée n’a pas de passif connu en lien avec le secteur de l’économie sociale et solidaire, elle arrive dans le gouvernement d’un Premier Ministre, Michel Barnier, qui, lui, “a longtemps travaillé sur la question de l’entrepreneuriat social lorsqu’il était Commissaire européen” explique à Novethic Marie Vernier, déléguée général du Labo de l’ESS, think tank qui œuvre à la promotion des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Et le rattachement du ministère de l’ESS directement à Bercy est également perçu comme un signal de l’importance accordée par le nouveau gouvernement au secteur. La ministre pourra aussi compter sur le travail d“un délégué ministériel à l’ESS, Maxime Baduel, avec qui les acteurs du secteur travaillent très bien, et qui a de nombreux projets sur la table” ajoute Marie Vernier. Marie-Agnès Poussier-Winsback est aussi une élue locale en Normandie, région dotée d’une feuille de route solide en matière d’ESS : “c’est toujours un signal rassurant” commente Antoine Détourné. Autant d’éléments constitutifs d’un terreau fertile pour une politique ambitieuse en matière de soutien à ce secteur économique essentiel ?

C’est ce qu’attendent en tout cas les acteurs du secteur. “Nous espérons que la ministre pourra appuyer la dynamique internationale en faveur de l’économie sociale” résume à Novethic Anthony Ratier, directeur des partenariats à l’ESS Forum International. “Le champ de l’ESS a beaucoup avancé, on a des propositions et des revendications structurées, et on espère que la nouvelle ministre construira cela avec nous dans le dialogue” explique de son côté Antoine Détourné. Selon Timothée Duverger, ingénieur de recherche spécialisé sur l’ESS à Sciences Po Bordeaux “plusieurs dossiers chauds attendent la ministre : la demande d’une loi de programmation pour le financement de l’ESS, le soutien aux dynamiques territoriales de l’ESS, la démarchandisation du secteur social et médico-social et un projet de loi ESS préparé par la délégation ministérielle.” L’enjeu est de savoir si l’Etat continuera à être un acteur du soutien à ce secteur qui contribue au développement, à l’inclusion et au progrès social dans les territoires, et notamment si les dispositifs mis en place par la loi Hamon pour aider au développement du secteur, comme les DLA (Dispositifs locaux d’accompagnement) et les PTCE (Pôles territoriaux de coopération économiques) seront soutenus par des budgets suffisants.

Des signaux contraires

Or justement, sur cette question budgétaire, les acteurs du secteurs sont inquiets des signaux contraires envoyés par ce gouvernement très à droite, et dont la feuille de route semble essentiellement axée sur l’austérité. Dans un communiqué, ESS France s’inquiétait récemment des “conséquences d’une politique d’austérité qui concentrerait ses économies sur des actions constitutives de notre contrat social telles que la prise en charge des publics vulnérables, en matière de santé ou encore d’inclusion”. Pour Marie Vernier “le risque est que l’ESS subisse les conséquences de cette crise budgétaire, et que les budgets ne soient pas maintenus.” “Le vote du budget va être déterminant, c’est là que l’on verra vraiment quelle est l’ambition du gouvernement en matière d’ESS” confirme Fatima Bellaredj. A ce stade, difficile pourtant de savoir quelles enveloppes seront touchées par les coupes, mais la pression budgétaire mise sur les collectivités territoriales, qui sont des partenaires clé de l’ESS, inquiètent aussi les acteurs.

Enfin, des questions demeurent sur l’intitulé du ministère, qui ajoute à l’économie sociale et solidaire les questions de l’intéressement et la participation. “On se réjouit que le débat sur le partage de la valeur puisse s’ouvrir” commente Antoine Détourné. Reste à savoir jusqu’où ira ce débat, crucial à l’heure où les salariés réclament plus que jamais plus de justice sociale et de démocratie dans les entreprises. Pour Timothée Duverger, l’enjeu sera de “ne pas concevoir la participation comme le simple accès aux bénéfices de quelques-uns mais bien comme un projet de démocratisation de l’entreprise en favorisant l’accès de tous les salariés au capital.” Le retour du ministère de l’ESS signera-t-il la volonté du gouvernement de repenser plus profondément la gouvernance de l’économie ? Pour Jérôme Saddier, président de l’Avise, association de soutien à l’ESS, l’enjeu central sera “aussi de s’entendre sur le fait qu’il est possible de promouvoir d’autres façons de produire de la valeur économique et sociale.”

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