Parmi les entreprises du CAC40, lesquelles sont les plus engagées en matière de lutte contre le réchauffement climatique ? C’est à cette question que tente de répondre l’association Les Ateliers du Futur, en publiant son classement annuel des trajectoires climatiques des plus grandes entreprises françaises non-financières. Cette année, l’association a fait évoluer son classement pour mieux refléter l’ambition de ces trajectoires en intégrant notamment la cohérence des plans climatiques proposés par les entreprises avec l’Accord de Paris. Legrand, Publicis et Danone arrivent en tête de ce classement, suivies par Schneider Electric et Saint-Gobain, Unibail Rodamco Westfield, l’Oréal, Pernod Ricard ou encore Orange. Avec des notes de 7,1/10 à 8,4/10, les entreprises leaders de ce palmarès semblent plutôt bons élèves en matière climatique.
Pour évaluer les politiques climatiques des entreprises, le rapport se base sur un critère principal, comptant pour 40% de la notation de chaque entreprise : la compatibilité des objectifs de baisse des émissions à 2030 avec l’Accord de Paris, en valeur absolue et validés par la Science Based Targets Initiative. En plus de cet objectif principal, l’association examine l’existence ou non d’un plan d’action à 2030 avec un chiffrage des impacts, la mise à disposition d’un plan financier associé au plan de transition, mais aussi l’existence d’un plan d’action à 2050 et le rattachement ou non de la question climatique à la direction générale dans la gouvernance de l’entreprise. Enfin, le rapport vérifie également si les émissions de gaz à effet de serre du groupe ont diminué entre 2021 et 2023. “Nous prenons désormais en compte non seulement la forme (affichage des objectifs, transparence), mais aussi l’effort prévu et les moyens mis en œuvre pour l’atteindre”, explique ainsi Malcolm Stewart, auteur de l’étude, cité dans Les Echos.
Les politiques controversées des entreprises les mieux notées
Outre les bons élèves, on retrouve aussi les 38 entreprises non-financières du CAC40, allant des notes moyennes 5,5/10 pour Engie ou 4,9/10 pour TotalEnergies) aux plus mauvaises, comme Air Liquide (3,1/10) ou Essilor (2,3/10). Mais si l’on regarde attentivement les entreprises du classement, on voit que certaines parmi les mieux notées ont fait l’objet de vives critiques quand à leur action environnementale et climatique. Publicis, par exemple, deuxième du classement avec la très bonne note de 8,2/10, a contribué, via son agence Carré Noir, à une campagne publicitaire vantant l’action climatique de TotalEnergies. Une campagne contre laquelle Greenpeace France, les Amis de la Terre et Notre Affaire à Tous ont initié une action en justice pour greenwashing et pratiques commerciales trompeuses. Publicis a également été retiré du classement Vérité 40, qui analyse lui aussi les score carbone des entreprises, car il ne dévoile pas les émissions de gaz à effet de serre des produits dont il fait la promotion, dont notamment les vols de la compagnie aérienne low-cost Transavia ou les SUV de plusieurs fabricants automobile. Des produits qui contribuent massivement à la hausse des émissions de CO2 mondiales, et donc à l’accélération du réchauffement climatique.
De la même manière, Danone, troisième du classement avec la note de 8/10, est pourtant régulièrement controversé quand à sa politique environnementale. En janvier dernier, le groupe a ainsi été assigné en justice par des consommateurs américains pour des allégations environnementales trompeuses dans ses communications commerciales, qui vantaient la “neutralité carbone” des bouteilles en plastique de la marque Evian. Danone reste également parmi les plus grands émetteurs mondiaux de méthane, notamment en raison du très important cheptel de bovins exploités par le groupe pour sa production laitière. Et en dépit d’engagements à réduire ses émissions, le groupe n’a encore jamais annoncé sa volonté de transformer son modèle d’affaires pour contribuer à la réduction de la production de produits d’origine animale, levier pourtant clairement identifié par le GIEC pour diminuer les émissions de méthane de l’agriculture.
Ces deux exemples illustrent les lacunes d’un palmarès qui, s’il permet de mieux quantifier la portée des trajectoires climatiques, n’interroge pas les modèles d’affaires des entreprises et élude donc la question de la viabilité climatique des activités économiques. En comparant des entreprises qui produisent des services essentiels, comme les services environnementaux par exemple, avec des entreprises de la communication, du luxe ou des énergies fossiles, sans remettre en perspective l’utilité sociale et environnementale de ces productions, le classement passe aussi à côté d’un enjeu essentiel pour la transition climatique : celui de la sobriété. Conscient des limites de cette approche, Malcolm Stewart rappelle toutefois à Novethic que “l’objectif de ce Palmarès est d’inciter les entreprises à l’action en se basant uniquement sur les rapports d’activité.” “Le modèle d affaires a, certes, vocation à être adapté à cette nouvelle contrainte de la décarbonation, mais nous jugeons des impacts attendus, non de la pertinence de la stratégie de décarbonation.” conclue-t-il.