401 voix pour, 284 contre, 15 abstentions et 7 bulletins blancs. Alors que les Français ont les yeux rivés sur l’Assemblée nationale, à quelques kilomètres de la capitale, un autre scrutin majeur se tenait au Parlement européen, à Strasbourg. Les députés européens ont en effet voté à une large majorité pour la reconduction d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. L’Allemande, aux manettes depuis 2019, a été réélue avec les voix des Verts, des Sociaux-Démocrates, des libéraux de Renew et du Parti populaire européen, qui avaient donné comme consigne de voter en sa faveur. Le vote étant à bulletins secrets, on ne connaît pas le détail exact. Le groupe Left-EU, le parti de la gauche européenne auquel appartient LFI, ainsi que le groupe d’extrême droite Patriotes pour l’Europe, auquel appartient le RN, avaient en revanche appelé à voter contre elle.
Quelques heures auparavant, Ursula von der Leyen avait tenté de rassembler le plus largement possible autour d’un discours de près d’une heure. Celui-ci a certes placé le climat à la marge, mais sans toutefois renoncer aux engagements très forts pris lors de son premier mandat autour du Pacte vert. Ainsi, la présidente de la Commission européenne a davantage mis en avant la “prospérité et la compétitivité” du continent, dans un appel du pied au Parti populaire européen (PPE), jusqu’ici fractionné autour de sa candidature.
Un Pacte sur l’industrie propre dans les cent premiers jours
Ursula von der Leyen a ainsi appelé à “réduire le fardeau administratif” des entreprises et à le “supprimer” pour les PME. Elle a aussi annoncé un nouveau “Pacte sur l’industrie propre” dans les cent premiers jours de son mandat pour “canaliser les investissements dans les infrastructures et l’industrie, en particulier dans les secteurs à forte intensité énergétique”. C’est dans ce contexte qu’elle soutient un objectif de réduction des émissions de 90% pour 2040. Celui-ci sera inscrit dans une loi et fera l’objet d’amples négociations.
“Je veux donc être claire. Nous maintiendrons le cap sur notre nouvelle stratégie de croissance et les objectifs que nous nous sommes fixés pour 2030 et 2050. Nous nous concentrerons désormais sur la mise en œuvre et les investissements pour concrétiser ce projet sur le terrain”, a déclaré Ursula von der Leyen devant les députés. “Ce mandat sera celui des investissements“, a-t-elle aussi ajouté. Une promesse bienvenue pour Neil Makaroff, directeur du laboratoire d’idées européen Strategic Perspectives, qui précise que “1 500 milliards d’euros sont nécessaires par an pour faire notre transition”.
“Ursula von der Leyen et l’idée d’un Clean Industrial Deal ont obtenu la majorité, démontrant que les partis pro-européens sont prêts à travailler ensemble pour relever les défis de l’UE. Elle a montré avec brio que la décarbonation, la création d’emplois et la compétitivité peuvent aller de pair, en recueillant le soutien du Parlement européen. Dans un monde où les technologies à zéro émission nette seront le facteur déterminant du moteur économique des puissances de demain, son projet de construire une phase industrielle du Green Deal n’est pas seulement une démarche tactique, c’est une décision stratégique”, poursuit le spécialiste des politiques européennes dans un communiqué.
Les e-carburants, une main tendue au PPE
Alors que les textes liés à la biodiversité ont été vidés de leur substance ou tout simplement reportés, notamment dans le contexte de la crise agricole, Ursula von der Leyen a voulu rassurer les agriculteurs. Elle a évoqué le dialogue stratégique déjà lancé pour réfléchir à l’avenir de l’agriculture en Europe. Et promet dans les cent premiers jours une “nouvelle stratégie européenne pour notre secteur agricole et alimentaire”. “Je travaillerai pour garantir que les agriculteurs aient un revenu équitable. Personne ne devrait être obligé de vendre de la bonne nourriture en dessous des coûts de production”, a-t-elle souligné. “Quiconque traite la nature et la biodiversité de manière durable et contribue à équilibrer le bilan CO2 doit être indemnisé de manière appropriée“, a ajouté la présidente de la Commission.
Parmi les autres promesses fortes, on peut noter la mise en place pour la première fois d’un commissaire européen au Logement, d’un “Bouclier européen de la démocratie” ou encore d’une “Europe de la défense”. Si le sujet clé de la fin des véhicules thermiques en 2035 n’a pas été évoqué dans le discours d’Ursula von der Leyen, il l’est dans les orientations politiques de la prochaine Commission pour la période 2024-2029, document publié par ailleurs ce jeudi 18 juillet. Elle y indique ainsi que les “e-carburants (ou carburants de synthèse, ndr) ont un rôle à jouer” pour atteindre l’objectif de neutralité climatique des automobiles en 2035, et qu’une modification du règlement sera réalisée “dans le cadre de la révision prévue”. Là encore, il s’agissait d’une main tendue au PPE, et notamment aux députés allemands qui appelaient à rouvrir le texte.
Enfin, dans ce document stratégique, elle évoque aussi l’importance d’un plan d’adaptation au changement climatique et d’un “Pacte pour l’océan”, mesures réclamées par les Ecologistes. Ursula von der Leyen aura donc réussi à cocher toutes les cases pour s’assurer une réélection et donner à l’Europe une stabilité pendant cinq années supplémentaires, en faveur du Pacte vert. “Von der Leyen et le reste de la nouvelle direction de l’UE doivent veiller à ce que les succès obtenus au cours des cinq dernières années se poursuivent”, réagit Chiara Martinelli, directrice du Climate Action Network Europe. “L’ambition affichée par les commissaires lors des auditions d’octobre sera le premier véritable bilan de qualité”, ajoute le réseau d’ONG environnementales dans un communiqué.
Mise à jour le 18/07/24 à 16h