-5,8%, la baisse est inédite. Selon de nouvelles données consolidées, publiées jeudi 23 mai par le Citepa, l’organisme chargé de l’inventaire des gaz à effet de serre français, les émissions de gaz à effet de serre ont marqué un recul plus important encore qu’estimé en mars pour l’année 2023, de -5,8% par rapport à 2022.
Des puits de carbone considérablement réduits
“On est dans les clous de nos objectifs”, s’est félicité jeudi dans l’entourage du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, tout en concédant que “l’absorption du carbone était un peu moins importante que prévu”. En effet ce nouveau record ne suffit pas à placer la France dans les clous de sa feuille de route climatique. En retranchant des émissions françaises la quantité de CO2 absorbée naturellement par les forêts et les sols, “le budget carbone 2019-2023 n’est pas respecté”, avertit le Citepa. Les arbres, par la photosynthèse, captent le carbone de l’air pour le stocker dans leurs racines et leurs branches.
Au total, sur ces cinq années, les émissions nettes de la France atteignent en moyenne 380 Mt “contre un objectif de 379 Mt, soit un dépassement de 1,4 Mt” (0,4%), indique l’organisme. La feuille de route climatique de la France, fixée par sa deuxième Stratégie nationale bas carbone (SNBC) 2019-2023, prévoyait d’atteindre 40 à 45 Mt de CO2 absorbés par les forêts et les sols d’ici 2030. Mais ce puits de carbone “s’est considérablement réduit” et n’a absorbé qu’“environ 20 Mt CO2 dans les années récentes, notamment en raison (…) de sécheresses à répétition depuis 2015, de maladies (augmentant) la mortalité des arbres et d’une augmentation des récoltes de bois”, explique le Citepa.
Un avenir incertain
Et l’avenir est incertain : selon une étude récente de l’IGN, “la séquestration du carbone en forêt continue de s’éroder” dans la grande majorité des projections d’ici 2050, y compris si le gouvernement parvenait à tenir l’ objectif de planter un milliard d’arbres d’ici 2032. “La dégradation du puits de carbone est aussi un choix politique puisque le gouvernement s’entête à vouloir augmenter la récolte de bois alors que tous les signaux sont au rouge”, a réagi auprès de l’AFP Sylvain Angerand de l’association Canopée.
Les modes de gestion de la forêt “n’ont pas radicalement changé ces dernières années”, rétorque le ministère de l’Agriculture. Le gouvernement cherche à “renouveler les forêts se dépérissant, comme celles d’épicéas et de sapins du grand Est victimes d’attaques parasitaires, et à les remplacer par des arbres plus adaptés au changement climatique”, a-t-il indiqué. Et le bois est “un matériel écologique pouvant remplacer le béton ou le plastique et provoquer ainsi des émissions”. Reste que la diminution de l’absorption par la forêt et les sols “implique un effort encore plus conséquent sur les autres secteurs afin d’atteindre la neutralité carbone”, rappelle le Citepa, alors que la 3e version de la SNBC, annoncée comme ” imminente” depuis des mois par le gouvernement, se fait toujours attendre.
“Facteurs conjoncturels”
Le Citepa constate une “situation inédite où tous les grands secteurs émetteurs participent à une baisse des émissions, dans un contexte particulier (inflation, reprise de production nucléaire…) mais sans crise économique majeure”.
C’est une “bonne nouvelle”, mais “en grande partie liée à des facteurs conjoncturels comme la baisse de l’activité économique, les prix élevés de l’énergie ou le rétablissement de réacteurs nucléaires” à l’arrêt en 2022, relativise auprès de l’AFP Anne Bringault, du Réseau Action Climat, qui appelle à s’attaquer notamment aux émissions du secteur des transports.
La France, qui doit s’aligner sur l’objectif européen de -55% d’émissions d’ici 2030 par rapport à 1990, avait déjà échoué à respecter son premier budget carbone (2015-2018) et avait revu ses ambitions à la baisse en 2019.