Publié le 23 février 2024

Ces derniers mois, trois rapports consacrés au financement de la transition climatique ont rappelé l’urgence d’augmenter les budgets d’investissement climatiques en Europe. Un effort financier atteignable par les Etats européens. Et pourtant, ces derniers revoient leurs ambitions à la baisse. Les chiffres pour tout comprendre dans une infographie.

Doubler nos financements pour la transition écologique en Europe. C’est ce que préconisent plusieurs rapports récents. Ils se rejoignent sur le fait qu’il faudrait un investissement additionnel correspondant à environ 400 milliards d’euros par an au niveau européen, pour engager la transition climatique.

Le rapport Pisani Mahfouz, publié par France Stratégie en 2023, rappelait ainsi que la neutralité climatique serait atteignable en France à condition “d’une action d’envergure”, et notamment d’investissements supplémentaires d’environ 70 milliards d’euros par an. Des investissements massifs à déployer notamment dans le secteur du bâtiment, à travers la rénovation thermique et énergétique des logements, dans les transports bas carbone, et dans la transition vers les énergies bas carbone.

Récemment, deux rapports sont venus confirmer ces ordres de grandeur : le rapport de l’Institut Rousseau “Road to net zero”, publié fin janvier, et le rapport European Climate Investment Deficit, publié fin février par l’institut français I4CE. Bien qu’ils ne portent pas exactement sur les mêmes périmètres, ils ont chacun tenté d’évaluer la quantité de financements qui serait nécessaire à une transition climatique efficace en Europe.

Doubler les financements climatiques - les chiffres à retenir
Doubler les financements climatiques – les chiffres à retenir

L’urgence de doubler les financements à la transition climatique

Dans le détail, les différents rapports européens estiment le besoin de financements à environ 150 milliards pour le bâtiment, 50 à 80 milliards pour soutenir la transition vers les véhicules électriques et les mobilités bas carbone, 80 milliards pour l’électricité bas carbone, en priorité l’éolien. Outre ces trois secteurs prioritaires, des financement seront nécessaires pour concilier agriculture et écologie, et pour décarboner l’industrie, entre autres. Si ces chiffres peuvent paraître importants, le financement additionnel ne représentent en réalité qu’environ 2 à 3% du PIB européen, et à peine plus que le montant des diverses subventions aux énergies fossiles accordées chaque année par les pays européens (250 à 350 milliards par an). C’est également un peu plus que les sommes versées dans le cadre du plan de relance européen post-Covid-19, qui représentent près de 300 milliards d’euros par an.

Autrement dit, l’effort financier nécessaire à la transition climatique serait tout à fait atteignable en Europe et dans les différents pays européens, dont la France. A condition toutefois d’accepter de mobiliser les différentes sources de financement existantes : endettement public, subventions, taxes, incitations pour le financement privé, etc. Or, c’est précisément l’inverse de ce que propose aujourd’hui le Ministère de l’Economie en France, et de ce qui se produit dans un certain nombre de pays européens. Bruno Le Maire vient ainsi d’annoncer des coupes budgétaires importantes, qui toucheront notamment la transition écologique et climatique. 1 milliard en moins pour le dispositif MaPrimeRénov’ consacré à la rénovation thermique et énergétique des logements, 400 millions en moins pour le Fonds vert destiné aux collectivités. Cela s’ajoute aux baisses déjà annoncées du bonus écologique pour les véhicules électriques… Le Ministère de la Transition Ecologique est ainsi l’un des plus affectés par les réduction des dépenses annoncées par Bercy.

Austérité budgétaire et recul des ambitions de financement climatiques en Europe

Ces coupes dans les budgets de la transition climatique semblent faire partie intégrante d’un mouvement global de réduction des dépenses. Leur objectif : éviter d’avoir à creuser le déficit suite à la révision à la baisse des prévisions de croissance du pays. Même tendance en Allemagne, où la Cour de Karlsruhe avait refusé la réallocation de plusieurs dizaines de milliards d’euros dans la transition écologique, sous prétexte des règles des “freins à l’endettement”, alors que le pays connaît une récession. En Suède, sur fond d’austérité budgétaire, de nombreux budgets “verts” ont été coupés, notamment dans le soutien aux véhicules électriques. En Italie, le gouvernement de Giorgia Meloni a profondément réformé le système de “superbonus” qui permettait d’aider financièrement les ménages dans la rénovation énergétique de leurs logements, avant de présenter de nombreuses coupes budgétaires dans les services publics et le financement des collectivités, y compris sur les thématiques de transition écologique dans son budget fin 2023. Le tout, alors que les ministres des finances de l’Union Européenne se sont mis d’accord fin 2023 pour une nouvelle règle budgétaire, qui renforce les exigences de limitation du déficit dans les pays européens.

Autrement dit, au nom de l’équilibre budgétaire, la France et l’Europe sont en train de réduire leurs ambitions en matière climatique, à l’heure où elles devraient au contraire se renforcer. Pourtant, le rapport Pisani Mahfouz rappelait que “retarder au nom de la maîtrise de l’endettement public des investissements nécessaires à l’atteinte de la neutralité climatique n’améliorerait que facialement la situation, sans aucun bénéfice sur le fond”. Si l’on refuse le creusement du déficit, la solution proposée pour financer les investissements nécessaires à la transition climatique, serait le recours à la hausse des impôts, notamment sur les plus riches, ce que les gouvernements européens se refusent pour la plupart de faire. D’autres économistes proposent, à l’image de Jézabel Couppey-Soubbeyran, ou Nicolas Dufrêne de l’Institut Rousseau, de passer par la création monétaire et par la Banque Centrale Européenne. Une proposition qui commence à peine à entrer dans le débat. En attendant, Bruno Le Maire et les gouvernements européens semblent avoir choisi de ne pas choisir, et de remettre à plus tard les investissements dans la transition climatique, qui sont pourtant plus urgents que jamais.

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