Publié le 2 février 2024

Il participe à la surexploitation des stocks de poissons, engendre d’importantes émissions de CO2 et fragilise les écosystèmes… Le chalut de fond arrive en tête des méthodes de pêche les plus destructrices. Une nouvelle étude initiée par l’ONG Bloom vient renforcer ce constat, alors qu’un vote au Parlement européen a empêché fin janvier son interdiction dans les zones protégées.

Plus de la moitié des océans sont aujourd’hui soumis à des pressions opérées par la pêche industrielle. Parmi les pratiques les plus controversées, le chalutage de fond, qui consiste à tracter un très large filet raclant les fonds marins, fait l’objet de tentatives de régulation de la part des autorités européennes. En cause, un impact environnemental élevé, récemment étudié par un groupement de recherche pluridisciplinaire formé à l’initiative de l’association pour la protection des océans Bloom.
Publié le 24 janvier dernier, le rapport mené par des chercheurs de l’Institut Agro, d’AgroParisTech et de l’EHESS-CNRS dresse un bilan de “l’empreinte écologique” et de “la performance économique et sociale” des flottilles françaises exerçant sur la façade atlantique. Surpêche, émissions de CO2, abrasion des fonds, mais aussi rentabilité ou création d’emplois, les auteurs ont analysé le secteur au travers de dix indicateurs, pensés comme des “outils de mesure de la performance des pêches”.

Chiffres clé chalutage de fond 1

340 millions de tonnes de CO2 par an

Sans surprise, la “grande pêche industrielle”, dont les navires dépassent 24 mètres de long, et le chalutage de fond arrivent en tête du classement des techniques les plus dommageables pour l’environnement. Leur empreinte carbone est particulièrement pointée du doigt. Les chalutiers de fond sont responsables de 57% des émissions totales de CO2 des flottilles étudiées, les navires nécessitant une puissance importante pour tracter les chaluts. Selon un rapport de l’ONG Oceana, la pêche au chalut est en effet “la méthode de pêche la plus consommatrice de carburant en Europe”. 
Un bilan aggravé par l’impact du chalut sur les fonds marins. Dans une analyse publiée dans Frontiers in Marine Science le 18 janvier dernier, des chercheurs américains et australiens estiment que la technique serait à l’origine de l’émission de 340 millions de tonnes de CO2 chaque année, soit presque “1% des émissions mondiales”. Les fonds marins sont de véritables réservoirs de carbone : lorsque le chalut les racle, il libère alors le dioxyde de carbone contenu dans les sédiments. En un peu moins d’une décennie, 55% de ce CO2 sera libéré dans l’atmosphère expliquent les auteurs du rapport, acidifiant au passage les eaux des océans.
Côté biodiversité, le chalut de fond engendre également de nombreux dégâts. Plus de la moitié des captures juvéniles, c’est-à-dire de “poissons n’ayant pas atteint leur maturité sexuelle et qui, pêchés trop tôt, ne peuvent contribuer à la productivité naturelle des écosystèmes”, proviendraient de navires utilisant cette méthode, leurs filets ne permettant pas une pêche sélective. Les chalutiers de fond font par ailleurs partie des flottilles contribuant le plus à la surexploitation des poissons. Ils sont à l’origine de “13% des débarquements issus de stocks surexploités”, indique le groupement de recherche dans ses conclusions.

Des eurodéputés opposés à l’interdiction

 

Pourtant, malgré tous ces impacts, la pêche au chalut de fond bénéficie d’importantes subventions publiques, aux dépens de pratiques plus respectueuses. Ces aides, “essentiellement liées à la détaxe du gasoil”, sont presque deux fois plus élevées par kilo de poisson débarqué pour les chalutiers de fond industriels, que pour de plus petits navires côtiers. Pour limiter ces impacts, la Commission européenne avait soumis en février 2023 un plan d’action visant notamment à interdire d’ici 2030 les engins de chalutage de fond dans les aires marines protégées, entraînant une forte contestation de la part des pêcheurs.
Mais lors d’un débat le 18 janvier dernier, les eurodéputés se sont finalement prononcés en faveur d’un rapport rédigé par la commission de la pêche du Parlement, rejetant au passage la proposition de la Commission. Un revers qui inquiète les associations. “Le Parlement revient sur ses positions antérieures, appelant à lutter contre les effets d’une pêche destructrice comme le chalutage de fond, et contredit les normes internationales en matière d’aires marines protégées”, commente l’ONG Oceana dans un communiqué. “[Il] n’est pas à la hauteur de l’affirmation selon laquelle l’UE est une ‘championne internationale des océans’.”
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