Publié le 27 décembre 2023
Luc Jacquet, cinéaste explorateur, a voulu faire partager sa fascination pour le pôle Sud dans une invitation au voyage très poétique. Son film en noir et blanc est un récit initiatique qui part de la cordillère des Andes pour se perdre dans la banquise. L’ivresse du grand blanc face à des paysages presqu’encore vierges est une nouvelle tentative de réveiller chez les spectateurs le désir de les protéger et de lutter contre le changement climatique qui les menace. 
Depuis 30 ans, Luc Jacquet revient dans l’Arctique et suit la route qui mène au pôle Sud. Sa "porte" préférée est le passage par l’Amérique du Sud et la Cordillère des Andes balayée par les vents où "il se nettoie l’âme" avant de plonger dans le grand blanc où les manchots empereurs sont rois. Il leur a consacré un documentaire, La Marche de l’Empereur qui a obtenu l’oscar du meilleur documentaire en 2006. Cette fois il a voulu "célébrer l’inutile" ces paysages d’une beauté à couper le souffle où l’Homme a encore laissé peu de traces.
En salles depuis le 20 décembre, son Voyage au Pôle Sud fait en quelque sorte pénétrer les spectateurs dans ces grands espaces glacés et déserts. On n’aperçoit seulement la silhouette épisodique du cinéaste qui s’efface dans des terres aux arbres brûlés survolés par des condors dont on entend les bruissements d’ailes. Sa présence rare finit par perturber la contemplation de la beauté du monde menacée et de la baignade des phoques en liberté. Luc Jacquet espère ainsi provoquer un sursaut chez ceux qui verront son film pour qu’enfin ils s’engagent à protéger la nature inexorablement abîmée par les humains. 

"J’ai un sentiment d’impuissance par rapport à la disparition progressive des glaciers", expliquait-il dans l’émission de France Inter Sous le soleil de Platon, "C’est assez désagréable parce que l’évidence intellectuelle, l’évidence scientifique, sont là. Je n’arrive pas à comprendre que l’être de raison que nous sommes censés être, n’arrive pas à faire le nécessaire pour inverser le cours des choses. Quel peut être le stimuli qui va nous faire sortir de l’impasse ?". Luc Jacquet parie sur l’ivresse du Grand blanc en la faisant partager car il sait qu’un rapport à la nature comme le sien est un trésor précieux et de plus en plus rare. "Je pense au gamin qui vit à Shanghai ou à Mexico, dans les méga city. C’est quoi la nature pour eux ? C’est quoi leur rapport à la planète ? C’est un truc au mieux, complètement abstrait. Au pire, ils s’en foutent parce qu’ils sont dans un monde qui n’a plus du tout accès à ça."


Un paradis blanc victime de la crise climatique 


L’émission Rendez-vous en terre inconnue propose une autre une leçon de vie sur la banquise mais à hauteur d’hommes. La dernière en date emmenait l’humoriste Jarry vivre quelques jours dans le Grand Nord avec les Inughuit. À l’inverse du film de Luc Jacquet, ce documentaire de téléréalité pas comme les autres, faisait la part belle à ce peuple autochtone qui s’efforce de maintenir ses coutumes de pêche et de chasse et se taille des pantalons dans les dépouilles des ours polaires qu’ils ont tués.
Difficile de ne pas sentir les menaces qui pèsent sur leurs modes de vie traditionnels quand on entre dans leurs maisons et qu’on les voit s’approvisionner à l’épicerie voisine qui scanne les produits avant de les encaisser. Les Inughuit continuent quand même à chasser à l’épuisette et proposent à leurs invités leur plat d’oiseaux même pas déplumés, un moment d’anthologie ! Quand ils prennent leurs traîneaux tirés par des chiens pour rejoindre des régions de chasse, on mesure l’impact du réchauffement climatique. Il n’y a plus de neige sur certains passages et les traîneaux ne peuvent plus glisser. 


Du pôle Nord au pôle Sud, le constat est le même. Le paradis blanc disparaît victime du réchauffement climatique et les banquises de l’Arctique fondent inexorablement mais pour Luc Jacquet, Heidi Sevestre et tous ceux qui battent inlassablement le rappel pour mobiliser sur la protection de ses sentinelles du climat, il n’est pas trop tard pour inverser le cours des choses et protéger cet univers finalement moins fragile que l’espèce humaine.  
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale des publications de Novethic


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