Défilé du 14 juillet : comment l’armée française intègre le changement climatique dans sa stratégie

"Un monde plus chaud sera aussi un monde plus violent." Ce constat partagé par Nicolas Regaud, conseiller climat du major général des Armées en France, occupe une place grandissante dans la stratégie des acteurs de la défense du monde entier. Longtemps en retard, la France s’est attaquée au sujet en avril 2022 en déployant son premier plan climat et défense. Un peu plus d’un an après, le ministère des Armées a présenté fin juin un point d’étape sur "la défense verte, c’est-à-dire la contribution de l’armée aux efforts de développement durable de la nation, mais également le volet de la sécurité climatique", rapporte le média AEF Info. 

Articulée autour de quatre grands axes, cette stratégie, "première à l’échelle de l’Union européenne", ambitionne d’étendre les capacités d’anticipation du secteur sur les enjeux du changement climatique et d’engager une dynamique d’adaptation. Des outils prospectifs, comme une cartographie des risques climatiques, est ainsi en cours de réalisation. "Le climat fait partie du paradigme de l’action des armées", précise Nicolas Regaud. "Désormais, avec cette cartographie, il s’agit d’avoir un regard sur plusieurs décennies et non plus sur quelques semaines."

Le ministère prévoit par ailleurs d’intensifier la coopération internationale sur le sujet, mais aussi de poursuivre sa "contribution aux efforts collectifs en matière d’atténuation et de transition énergétique." L’armée française aurait d’ores et déjà diminué les émissions carbone de ses infrastructures d’un tiers depuis 2010. Première étape d’une stratégie globale, le programme climat et défense "doit permettre de poser les fondations pour un plan de plus long terme qui engagera les armées jusqu’au milieu du siècle prochain", assure Nicolas Regaud.

Le secteur de la défense ne dispose en effet que de peu de temps pour s’adapter aux impacts du dérèglement climatique. Ce dernier est "porteur de risques importants pour la sécurité mondiale, qui pourraient devenir catastrophiques au cours des deux prochaines décennies", affirmait dès 2020 le Général Tom Middendorp, président du Conseil militaire international sur la sécurité et le climat (IMCCS). Créé en 2019, ce réseau réunissant des hauts responsables militaires du monde entier vise à proposer des politiques publiques pour anticiper et limiter les répercussions liées au climat. 

Véritable multiplicateur de risques, le changement climatique pourrait accroitre l’insécurité alimentaire et les troubles sociaux, entrainant des mouvements de population selon un récent rapport du ministère des Armées. Rien qu’en 2020, 30 millions de personnes étaient déjà concernées, soit "trois fois plus que le nombre de personnes déplacées à cause des conflits et des violences", rappelle François Gemenne, co-directeur de l’Observatoire Climat et Défense. Des tensions autour de l’accès à des ressources comme le gaz, le pétrole et les matériaux rares pourraient également voir le jour, notamment dans des endroits géostratégiques d’avenir comme l’Arctique et le Grand Nord. 

Les armées devront ainsi adapter leurs infrastructures et leurs équipements autant à des températures extrêmes, par exemple pour accéder à des zones devenues accessibles suite à la fonte des glaces, qu’à l’évolution des conditions climatiques comme la montée du niveau de la mer ou la multiplication des catastrophes naturelles. C’est d’ailleurs déjà une réalité pour certaines nations. Aux États-Unis, le département de la Défense a ainsi estimé que deux tiers de ses principales infrastructures militaires étaient exposés à des risques de sécheresse extrême et d’inondations.
Florine Morestin