Publié le 18 janvier 2024
La grande loi de programmation énergétique et climatique, attendue depuis l'été dernier, se résume désormais à un texte qui parle régulation des prix, protection des consommateurs et régime des barrages hydroélectriques. Plus aucun objectif énergétique n'y est inscrit. Bercy, qui a récupéré le dossier de l'énergie, assure qu'il s'agit de prendre le temps de la concertation. Au profit des énergies renouvelables ? Rien n'est moins sûr.

C’est désormais confirmé, l’énergie revient sous le giron de Bercy, mettant fin au super-ministère de l’écologie qui avait prévalu depuis 2007. Et comme premier acte, Bruno Le Maire a vidé de sa substance la loi de souveraineté énergétique, dévoilée fin décembre et censée être présentée en conseil des ministres début février. Selon une nouvelle version du texte consultée mercredi 17 janvier par l’AFP, celle-ci a été amputée de son titre Ier consacré à la programmation énergétique, supprimant de fait tout objectif et choix en matière énergétique et climatique. Ne restent que les volets régulation des prix, protection des consommateurs et régime des barrages hydroélectriques.
"Les ONG sont catastrophées par ce premier effet concret du transfert du ministère de la Transition énergétique à Bercy", a réagi auprès de l’agence Anne Bringault, du Réseau Action Climat (RAC), également membre du Conseil national de la transition écologique (CNTE, qui regroupe ONG, syndicats, patronat et élus), l’un des organes consultatifs sur le texte. Pour elle, "le gouvernement n’a plus de boussole et semble naviguer à vue sur la planification écologique et la transition énergétique". "C’est un vrai recul", s’insurge également Cédric Marteau, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), soulignant le besoin d’un large débat parlementaire sur le sujet.

"Prendre davantage de temps"


Le texte, attendu depuis l’été dernier conformément au code de l’énergie, devait initialement se présenter comme une loi de "programmation pluriannuelle sur l’énergie et le climat". Finalement, il ne se concentrait plus que sur le volet énergétique, fixant des objectifs précis sur le nucléaire mais pas sur les renouvelables, provoquant une bronca des acteurs de la filière et des ONG. Désormais, la "saisine rectificative au projet de loi relatif à la souveraineté énergétique", frappée de l’en-tête du ministère de l’Économie, ne contient plus aucun objectif.
Interpellé par plusieurs journalistes, le cabinet de Bruno Le Maire explique vouloir "prendre davantage de temps pour trouver le juste équilibre entre ce qui doit relever de la loi et ce qui doit plutôt s’inscrire dans la programmation sur l’énergie et le climat, au niveau réglementaire". "Nous avons ainsi de décidé de reporter l’inscription de ce volet programmatique dans la loi. Ce temps devrait nous permettre de finaliser le travail de consultation sur notre stratégie pour l’énergie et le climat", nous précise-t-on.  
Également interrogé lors des questions au gouvernement à l’Assemblée, le ministre de l’Économie, a assuré que son objectif était "d’accélérer la transition climatique". "Ne doutez pas de ma détermination totale à accélérer les transitions climatiques dans les nouvelles fonctions qui sont les miennes, et à faire en sorte que notre énergie soit l’énergie la plus décarbonée en Europe, que nous tenions nos objectifs : 50 % de réduction des effets de gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici 2050, avec un troisième objectif que je rajoute : une belle ambition pour la France : être la première nation industrielle décarbonée en Europe à échéance 2040", a-t-il déclaré.  

Promouvoir "les énergies décarbonées"


En plaçant le portefeuille de l’énergie sous la responsabilité du ministère de l’Économie, la stratégie du gouvernement, qui se dessine également à Bruxelles depuis plusieurs mois, est de porter la relance de l’industrie nucléaire et d’imposer une nouvelle catégorie, celle des énergies décarbonées, incluant le nucléaire, et pas seulement les énergies renouvelables. Dans ce contexte, les ONG appellent à être reçues par le Premier ministre afin "d’avoir des engagements sur l’accélération de la transition écologique".  
Christophe Béchu, maintenu au ministère de la Transition écologique, a assuré mercredi 17 janvier sur France Inter que le sujet pouvait être "partagé" entre les ministères de l’Économie et de la Transition écologique. "La transition énergétique, ce sont deux choses. D’une part, c’est l’efficacité énergétique et la sobriété, (…) des thématiques sur lesquelles j’aurai des occasions de m’exprimer et d’avoir des responsabilités. D’autre part, c’est la production d’énergie qui elle, compte tenu en particulier de l’enjeu nucléaire et du soutien à la réindustrialisation, représente aujourd’hui un défi qui est économique" et donc relève de Bercy à ses yeux, a-t-il déclaré.  
Les décrets d’attribution, attendus dans les prochains jours, devront permettre de préciser encore les périmètres de chacun. On devrait aussi y voir plus clair sur la nouvelle programmation énergétique et climatique du gouvernement Attal avec la publication de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) et de la SNBC (Stratégie nationale bas-carbone), arrivées à échéance en 2023, dans les "prochaines semaines", assure-t-on à Bercy. Il n’y a toutefois guère de suspens sur la volonté du gouvernement, confirmée lors de la conférence de presse d’Emmanuel Macron mardi 16 janvier, de construire 14 nouveaux réacteurs nucléaires.
Concepcion Alvarez avec AFP

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