Alors que la question des déficits publics semble plus que jamais au cœur du débat politique, l’Inspection Générale des Finances (IGF) vient de publier une “revue des dépenses” dans laquelle elle fait plusieurs propositions pour augmenter les recettes de l’Etat. Parmi elles, le service, qui dépend des ministères des Finances et du Budget, propose de relever le taux de TVA applicable aux eaux en bouteille.
Une telle mesure pourrait rapporter d’une à plusieurs centaines de millions d’euros par an à l’Etat. Surtout, elle mettrait fin à un très vieil avantage fiscal dont bénéficie le secteur des eaux en bouteille, de plus en plus controversé.
“2 000 fois plus d’émissions carbone” que l’eau du robinet
Les eaux en bouteille bénéficient en effet d’un taux de TVA dit “super-réduit”, à 5,5%, au même titre que les autres boissons vendues en bouteille et que la plupart des produits alimentaires de base. Un taux destiné initialement à promouvoir la consommation des produits dits “de base” et à protéger le pouvoir d’achat des consommateurs. C’est cet avantage que l’IGF remet en cause aujourd’hui pour le secteur des eaux embouteillées, mettant notamment en avant les coûts environnementaux et sanitaires de la consommation d’eaux en bouteilles.
En effet, selon le rapport, le taux réduit dont bénéficie le secteur “favorise la consommation d’un produit dont les effets néfastes sur l’environnement et plus récemment sur la santé ont été soulignés par plusieurs études et rapports”. Reprenant les données de l’ADEME, les inspecteurs de finances rappellent que l’eau en bouteille génère plus de 2 000 fois plus d’émissions de CO2 que son équivalent du robinet et que la production de bouteilles en plastique produit d’importants déchets qui sont encore aujourd’hui mal collectés et mal recyclés en France.
Autre argument mis en avant par l’IGF : le taux de TVA super-réduit pour les eaux en bouteilles serait inégalitaire. Les données de consommation permettent en effet de constater que les plus gros consommateurs d’eau en bouteille en France sont les foyers les plus aisés. Ce sont donc ces foyers privilégiés qui sont les premiers bénéficiaires de la niche fiscale accordée par l’Etat au secteur, à rebours de l’ambition redistributive des taux de TVA réduits pour les produits de base.
Scandales à répétition pour les eaux en bouteille
L’IGF pointe également du doigt les nombreux scandales qu’ont connu les entreprises du secteur ces derniers mois. Plusieurs géants des eaux en bouteille avaient par exemple été épinglés début 2024 pour avoir, durant plusieurs années, pratiqué sur leurs eaux minérales des traitements interdits par la réglementation. Des micro-filtrations et traitements altérant la qualité des eaux minérales, qui n’auraient donc pas dû être vendues sous cette appellation. C’est dans le cadre de cette affaire que Nestlé Waters a notamment été condamnée à une amende de 2 millions d’euros, résultant d’une convention judiciaire d’intérêt public qui lui évite un procès. Une étude publiée en début d’année avait également montré que les eaux en bouteille étaient très largement contaminées par les micro-plastiques, cassant l’image de produit sain que les industriels du secteur ont construite au fil des années.
Autant d’arguments qui remettent donc en cause la pertinence de maintenir un taux de TVA préférentiel pour le secteur. Les inspecteurs des finances s’interrogent enfin sur la pertinence de relever le taux de TVA des autres boissons embouteillées non-alcoolisées (jus, sodas…) mais note qu’une telle mesure pèserait plus lourdement sur les ménages les plus pauvres, qui consomment davantage ces produits. Une telle décision aurait donc un impact négatif sur le pouvoir d’achat des classes populaires. Reste à savoir ce que le futur gouvernement, qui devra rapidement élaborer sa feuille de route budgétaire et économique, fera des nouvelles recommandations de l’IGF.